La Chine sous Mao ou le travail pris dans les filets de l’idéologie – 1ère partie

A Shanghai, au 7° étage d’un ensemble immobilier est niché un musée privé qui recherche, conserve et expose les affiches de propagande produites en République Populaire de Chine de 1949 à 1997. Il a bien du mérite car bien que produites à l’époque en grande quantité, elles ont été pour la plupart détruites après la mort de Mao Tsé-toung. Or ce sont des témoignages historiques de première grandeur. Ils permettent de suivre les campagnes idéologiques et les mots d’ordre du Parti au pouvoir. Mais ils ont en outre un intérêt esthétique car si sur le fond les thématiques étaient imposées, la production en était  décentralisée, ce qui autorisait une grande variété de style et de qualité. 

C’est évidemment la manière dont le régime communiste met en scène le travail qui va ici nous intéresser et servir de fil rouge à cet article [1].

La production de richesses, nerf de la guerre

1 Chine 37a
« Cérémonie de fondation de la République Populaire de Chine », 1953
2 Chine 37b
« Cérémonie de fondation de la  République Populaire de Chine », 1972

 La République Populaire de Chine fut fondé le 1° octobre 1949. Une cérémonie officielle conduite par Mao Tsé-toung eut lieu depuis le balcon de la Porte de la Paix Céleste qui donne sur la Place Tian'anmen. C’est cet évènement que les deux affiches [2] reproduisent ici. La première date de 1953, la seconde de 1972. Entre ces deux dates deux dirigeants du Parti Communiste Chinois qui participaient à cette manifestation ont été écartés du pouvoir, puis de l’affiche : Gāo Gǎng, 高岗, accusé d'« activités fractionnelles » et de « complot contre le comité central » se serait suicidé en 1954. C’est celui qui figurait à l’extrême droite du groupe des personnalités ; Liú Shàoqí, 刘少奇, arrêté lors de la Révolution culturelle, meurt en prison en 1969 ; il est le deuxième sur la gauche, et fut remplacé sur l’affiche par Dǒng Bìwǔ, 董必武, membre fondateur du PCC en 1921 et vice-président de la République Populaire de Chine de 1968 à 1972.

3 Chine 49
« Avec des céréales, de l’argent et de la main d’œuvre, battons nous résolument pour résister aux États-Unis, aider la Corée et défendre notre pays », 1951

Officiellement, la Chine ne participa pas à la guerre de Corée (1950-1953), mais elle envoya une « armée populaire de volontaires chinois » (中国人民志愿军 Zhōngguó rénmín zhìyuànjūn) se battre au côté de la Corée du nord contre les troupes onusiennes. Aussi, la guerre est-elle très présente dans les affiches de cette époque.

Produire et lutter contre l’impérialisme vont d’un même pas, le premier étant nécessaire aux succès du second. Ce qui est frappant toutefois, c’est que dans ces premières affiches, la mécanisation est peu présente. Dans celle ci-dessus [3], les paysans sarclent avec des houes et ce sont des chevaux qui tirent le matériel militaire.

4 Chine 62
« Accélérer la production et se prémunir contre le gaspillage pour renforcer la défense nationale », 1952

Dans celle-ci [4], remarquablement composée, sur le fond rouge du drapeau national deux paysans souriants sont placés au centre de l’image. La femme porte une brassée de bourres de coton et l’homme une gerbe de blé. Sous eux, est étendue une guirlande de légumes et le slogan qu’illustre l’affiche. La mécanisation, c’est sur les côtés qu’elle est présente, sous forme de chars, de canons et d’avions de chasse : les mains et la bienveillance d’un sourire d’un côté et de l’autre la menace du déchainement des armes.

La voie chinoise vers le socialisme

Si le mouvement communiste depuis sa naissance au XIX° siècle s’opposait frontalement au capitalisme qu’il voulait abattre, il en partageait la finalité productive : produire beaucoup et de plus en plus. Mais, ainsi que le proclame cette affiche, selon une voie qui lui était propre.

5 Chine 76
« S’engager résolument sur la voie du socialisme », 1955

C’est une spécificité de la révolution chinoise de s’être appuyé sur une paysannerie pléthorique plutôt que sur un prolétariat démographiquement marginal. Cela se manifeste ici par le choix de l’illustration [5] : un paysan au visage sympathique, une pipe dans la main gauche, ramène son bœuf à l’étable. C’est une image de sérénité que véhicule cette affiche, atténuée toutefois si on regarde avec attention l’arrière plan, par la représentation d’un attroupement autour d’un canon mobile.

Mais cette voie du socialisme, comment se traduisit-elle dans le travail et son organisation ? Qu’en disent les affiches ?

6 Chine 82
« En 1959, lutter pour produire plus d’acier, de meilleure qualité », 1958

Voici une illustration typiquement chinoise [6]. Deux ouvriers tiennent à la main une longue tige métallique qui signe leur appartenance au monde de l’industrie du fer et du feu. Rendus solidaires par le bras de l’un entourant les épaules de l’autre, ils se tiennent fermement sur la tête d’un dragon. Le dragon chinois n’est en rien maléfique ; il est un symbole de sagesse, de pouvoir et de bon augure. C’est une des figures du zodiaque, qui selon les occurrences, va être de bois, de métal, d’eau, de terre ou de feu comme sur cette illustration. De feu, il symbolise alors une énergie indomptable.

La mobilisation du peuple et des travailleurs autour de slogans politiques – et la production d’affiches qui l’accompagne – est une constante de la gouvernance de Mao Tsé-toung. C’est une première différence avec la voie capitaliste : la motivation des travailleurs passe par une sorte d’appel à leur conscience politique, un ressort jamais utilisé par les patrons d’Europe occidentale [7] ou des États-Unis…

Son efficacité productive, toutefois, a été en Chine historiquement réduite.

Le Grand Bond en Arrière ?

7 Chine 90
« Les fleurs du Grand bond en avant s’épanouissent pleinement », 1960

Le pouvoir communiste a d’abord inscrit ses pas dans les méthodes soviétiques qui privilégiaient le développement industriel sur une base urbaine.  Face aux difficultés de mise en place d’un tel modèle, inadapté à la réalité rurale chinoise, le gouvernement lança en 1958 une initiative économique qu’il baptisa de « Grand bond en avant » (大跃进, Dà yuèjìn). Les campagnes devaient  en être le moteur, avec comme unité de base la commune populaire. S’appuyant sur une main d’œuvre rurale, le développement industriel en restait l’objectif central comme le montre la belle illustration ci-dessus [8] qui en décline les secteurs : chemin de fer, fonderie, textile, charbon et construction.

8 Chine 91
« Longues vies aux communes populaires », 1959

Avec cette nouvelle initiative, la cellule économique de base devenait la commune populaire et en leur sein, les coopératives. A en croire l’affiche ci-dessus [9], c’est dans une sorte de liesse que le peuple accompagna leur naissance et les objectifs de production.

Au premier plan, sous des légumes et fruits joufflus, défilent les animaux de la ferme. Au deuxième plan, des villageois sont représentés dans la diversité de leurs fonctions : enseignant, soldat, manutentionnaire, paysanne et ouvrier ; les deux derniers brandissent ensemble une gerbe de blé sur laquelle est inscrite les deux caractères de la promesse de cette longue vie : une bonne récolte, 丰收 fēngshōu. Et à l’arrière se profilent des reliefs karstiques escarpés, au pied desquels, enveloppés dans une élégante fumée blanche, on devine des usines.

9 Chine 103
« Être polyvalent sur le front de l’agriculture », 1959

Mais outre le renforcement du mouvement de collectivisation, le Grand Bond en Avant se caractérisait par la volonté de faire des communes rurales des lieux de production polyvalents dont une des formes les plus surprenantes fut la décision d’implanter dans les villages des petites fonderies d’arrière cour pour doper la production d’acier [10]. C’est cette polyvalence rurale que proclame cette affiche Achimboldesque [11] : cette paysanne à la pose martiale est en même temps un soldat et un ouvrier. La bandoulière qui tient son fusil reproduit quatre figures du développement économique : des cheminées d’usine, la mécanisation de l’agriculture, une coulée d’acier et l’électrification du pays.

10 Chine 88
« En 15 ans, dépasser l’Angleterre », 1958

Sur cette affiche [12], la bannière que tient l’ouvrier qui chevauche le dragon proclame qu’il faut « redoubler d’ardeur et viser l’excellence pour construire le socialisme plus rapidement et plus efficacement » (鼓足干劲力爭上游 多快好省地迠設社會主义. Gǔ zú gànjìng lìzhēngshàngyóu. Duō-kuài-hǎo-shěng dì chè shè shèhuìzhǔyì) C’est ainsi qu’en trois plans quinquennaux successifs, la Chine devait rattraper l’occident et nommément l’Angleterre par qui avait commencé en 1850, avec la première guerre de l’opium, le « siècle de l’humiliation » chinoise.

11 Chine 104
« Creuser des rivières et réparer les systèmes d’irrigation pour éviter les problèmes d’inondation et de sécheresse et assurer une récolte exceptionnelle », 1960

Mais la main d’œuvre ploya sous la multiplicité des tâches. Elle fut réquisitionnée pour la construction de routes et de ponts, la production d'acier ou comme on le voit dans l’affiche ci-dessus [13] pour les grands travaux hydrauliques. La mécanisation y apparaît absente. C’est en poussant avec un large sourire une brouette chargée de boue ou en portant des palanches que ces travaux furent glorifiés. Une sorte de stratégie du nombre chargée de compenser l’insuffisance en machines.

12 Chine Les 4 pestes
« Exterminer les quatre nuisibles », 1958

A cela s’est ajouté des mobilisations hygiénistes de la population qui se sont révélées contre productives, comme celle de l’éradication des quatre nuisibles (除四害运动 chú sì hài yùndòng) [14], à savoir les mouches, les moustiques, les rats et les moineaux.

13 Chine Chasse aux moineaux
« Tout le monde se mobilise pour abattre les moineaux », 1956

Les moineaux avaient été introduits dans cette liste car en se nourrissant de graines de céréales, ils diminuaient les récoltes. Mais exterminés, le pouvoir se rendit compte qu’ils mangeaient aussi des insectes et qu’ils participaient ainsi aux équilibres écologiques agricoles. Faute d’oiseaux, les criquets prospérèrent. En 1960, le gouvernement substitua dans sa liste les punaises aux moineaux…

Du fait de ces multiples mobilisations, les bras manquèrent dans les champs et la production agricole en pâtit. L'agriculture chinoise ne retrouva son niveau de 1957 qu'en 1963. On estime que le Grand Bond en avant, arrêté seulement deux ans après son lancement, s'est soldé par une famine qui fit entre vingt et trente millions de morts dans les campagnes [15].

Une anthropologie de l’homme au travail

Si la voie socialiste consistait en la promotion d’une organisation sociale différente de celle prévalant en occident, les affiches de propagande dessinaient également des leviers spécifiques de mobilisation de l’homme au travail.

14 Chine 56
« L’entraide et l’affection mutuelle poussent activement la production », 1954

Un couple se réjouit d’effectuer une tâche agricole des plus aisées : la femme se tient sur la première marche d’un escabeau, saisit une pomme à hauteur de ses yeux, et finit de remplir un panier que son homme s’apprête à saisir pour l’emporter vers une benne ou un lieu de stockage [16]. La récolte est abondante, les pommes à portée de main, le travail s’effectue dans la bonne humeur et l’amour. C’est une scène qui pourrait être celle de l’Éden avant la chute (voir l’article Travailler, même au Paradis).

15 Chine 64
« Garder la forme pour accélérer la production », 1953

Cette fois-ci [17], c’est un exercice physique, préparatoire à un travail qui se profile en arrière fond : des tâches industrielles symbolisées par des cheminées fumantes. Il est exécuté sans effort et dans la joie. Ces ouvrières ressemblent à des poupées mécaniques, souriantes et coordonnées. Il n’est que la coupe de cheveux et la couleur des vêtements pour les distinguer. Un seul peuple de femmes, unifiées et disciplinées…

16 Chine 53
« Le bonheur d’une bonne récolte », 1951

Parmi l’ensemble des travaux agricoles, c’est le moment de la récolte que la majorité des artistes choisisse d’illustrer [18]. Et pour cause : c’est évidemment vers elle que tendent tous les efforts des paysans ; elle est en elle-même la récompense de leurs efforts. Ce choix évite en outre de mettre en avant les travaux plus ingrats qui précédent et permettent la moisson.

17 Chine Modenisations 136
« Travaillons dur pour réaliser les quatre modernisations », 1965

En 1963 à Shanghai, Zhou Enlai propose des objectifs de développement de la Chine concentrés sur quatre secteurs stratégiques : l’agriculture, l’industrie, l’armée, les sciences & technologies. Mao Tsé-toung les reprend à son compte l’année suivante.

La rhétorique sans parole de ces quatre affiches [19] qui datent de 1965 est savamment construite. Au premier plan figurent des couples de travailleurs dotés des attributs qui permettent d’identifier leur métier ; derrière eux se profile la Chine future dont ils seront les accoucheurs. 

 C’est ainsi que se dessine, au travers des affiches de propagande de ces époques, les arguments censés motiver les masses productives : la lutte contre l’impérialisme, l’entraide et la coopération, la joie de la récolte, l’exercice physique, les mobilisations politiques, la promesse du développement futur de la patrie…

Mais va bientôt se lever une tempête politique qui, pour de nombreuses années, va mettre à l’arrière plan la question du développement économique de la Chine : la Révolution culturelle !

A suivre…

 

[1] A deux exceptions près citées en note, toutes les illustrations de cet article sont tirées du catalogue de ce musée : Modern chinese poster collection, éditeur Yang Pei Ming, Shanghai, 2019

[2] « Cérémonie de fondation de la  République Populaire de Chine », 1° édition à gauche (1953), 3° édition à droite (1972). Auteur : Dong Xiwen

[3] Auteur : Liu Qi

[4] Auteur : Luo Xing

[5] « S’engager résolument sur la voie du socialisme » 坚决走社会主义的道路 Jiānjué zǒu shèhuìzhǔyì de dàolù. Auteur : Qian Daxin

[6] Auteur : Ha Qiongwen

[7] Alors qu’il participait au gouvernement provisoire de la France libre présidé par le général de Gaulle, le parti Communiste français s’engagea également dans cette voie. Il soutint en effet avec vigueur auprès du monde ouvrier et notamment des mineurs la « bataille de la production » pour accélérer le redressement du pays.

Source : Serge Curinier, article « Les communistes, le charbon et la reconstruction (1944-1947) », dans  Reconstruire le Nord – Pas-de-Calais après la Seconde Guerre mondiale (1944-1958), sous la direction de Michel-Pierre Chélini et Philippe Roger.

[8] Auteur : Guo Bin

[9] Auteur : Hua Qiongwen

[10] Source : John K Fairbank et Merle Goldman, Histoire de la Chine. Des origines à nos jours, Edition Taillandier, Paris, 2010, p 529

[11] Auteur : Huang Jing, 1959 p 103

[12] Pas d’auteur identifié (production collective)

[13] Auteur : Guo Renyi

[14] Les deux affiches qui illustrent cette lutte sont tirées du site https://chineseposters.net/themes/four-pests

[15] Source : Histoire de la Chine, p 525

[16] Auteur : Zhang Biwu

[17] Auteur : Jin Zhaofang

[18] Celle-ci a pour auteur Yuan Xiutang

[19] Auteur : Wang Weixu


Le portrait de Louis Pasteur par Albert Edelfelt ou comment représenter le travail scientifique

Cette image vous est probablement familière car c’est elle qui, immanquablement, est reproduite dans les livres d’histoire lorsqu’ils traitent du développement scientifique au XIX° siècle. J’ai découvert, lors d’une exposition au Petit Palais, qu’un peintre Finlandais, Albert Edelfelt, en était l’auteur [1].

Mais l’idée de consacrer un article dans mon bloc-notes à ce portrait (ci-dessous, à gauche) est née de sa confrontation dans l’espace de cette exposition avec cet autre (à sa droite), consacré également à Pasteur, accroché non loin de lui. La différence est saisissante, non pas tant sur le plan du talent des peintres que sur la manière de rendre compte du personnage. Dans le premier, Louis Pasteur est saisi dans son laboratoire, en plein travail, alors que dans le second, il apparaît en grand-père protecteur, auréolé d’une gloire toute Napoléonienne, mais sans  aucune référence aux raisons de cette gloire : ses nombreuses découvertes médicales et notamment celle qui lui conféra une aura internationale, la vaccination contre la rage.

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Jean Jacques Audubon, un peintre d’oiseaux sans âmes, devenu défenseur de la nature ?

Ce texte était trop long pour être inséré dans le chapitre « Portraits d’animaux » de l’article sur « La figuration des animaux en régime naturaliste : de la brute au Memento animalis es ». Aussi l’en ai-je extrait. Il  constitue une sorte de zoom sur la question des figurations scientifiques d’animaux, établi à partir de l’œuvre étonnante d’un peintre aventurier, ornithologue, autodidacte, porteur d’un projet encyclopédique de description des oiseaux d’Amérique.

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Rien de virtuel dans les réseaux numériques planétaires !

Voici le premier article de la série que j’ai décidé de consacrer aux technologies numériques et à leur impact sur le travail et la nature (voir « Les technologies numériques, fer de lance de la révolution industrielle ou son chant du cygne ? »). Il est issu d’un voyage d’étude organisé à Marseille par une Association de promotion du dialogue social [1] dont je suis membre. Lors de ce voyage, nous avons notamment visité un des Centres de données (data center) du concentrateur (hub) qu’Interxion exploite à Marseille.

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Les technologies numériques, fer de lance de la révolution industrielle ou son chant du cygne ?

Les technologies numériques envahissent notre quotidien et s’immiscent dans tous les interstices de notre vie individuelle et collective : économique, sociale, relationnelle, culturelle, politique... Elles nous mobilisent tous d’une manière ou d’une autre, les enthousiastes comme les sceptiques.

Nous vivons des temps que l’on peut qualifier de révolutionnaires car ils vont, en quelque dizaines d’années, transformer radicalement nos conditions et nos modes de vie, que nous le voulions ou non, que nous nous y préparions ou non. Nous allons les vivre alors que la civilisation industrielle qui aujourd’hui domine  le monde entre en contradiction avec elle-même. Elle va devoir en effet rapidement se passer des énergies fossiles dont la consommation intense a assuré sa croissance inouïe.  Mais dans sa phase actuelle de développement censée assurer le relais de productivité qui est son carburant, elle s’appuie sur des technologies numériques qui sont consommatrices d’énergie.

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La paix ! La paix ! La paix !

Le nouvel an, c’est la période des vœux, alors autant commencé par celui-ci !

Il n’y a pas de bonheur privé possible sous les bombes et les atrocités de la guerre. Nous en sommes heureusement épargnés en France, mais elle est à nos portes : en Ukraine depuis bientôt deux ans [1], les massacres en Israël puis l’effondrement de Gaza en représaille cette année. En 2022, 56 États connaissaient un conflit armé sur leur territoire [2]. Quel gâchis ! Quel déploiement de violence ! Comment imaginer relever les défis du changement climatique et renouer un rapport raisonnable à la nature si au lieu de nous soucier du monde qui nous entoure et nous permet de vivre, nous cultivons la haine et l’esprit de revanche au sein de notre espèce ?

Alors oui, ce sera mon premier vœu. Qu’il n’ait en lui-même aucune efficacité, c’est le propre de tous les vœux. Ils sont là pour témoigner auprès de nos proches du bien qu’on leur souhaite. Alors j’en ajouterai deux : que tous ceux qui ici me lisent connaissent cette paix du corps qu’on appelle la santé et le bonheur de relations riches et joyeuses avec ceux qui les entourent et qu’ils aiment.

Bonne année 2024, envers et contre tout !

Kunming, le 31 décembre 2023 à minuit

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La figuration des animaux en régime naturaliste : de la brute au Memento animalis es

Cet article vient compléter celui sur « La représentation de l’intériorité animale dans la peinture occidentale à partir du XVII° siècle » qu’il est préférable de lire avant celui-ci.

Dans Les formes du visible, Philippe Descola indique que la « subjectivité ostensible des humains et l’agencement des qualités du monde dans un espace unifié (…) sont les deux indices qui dénotent le mieux le naturalisme en image » [1], car ils rendent visibles ses deux traits caractéristiques,  l’intériorité à nulle autre pareille des humains et l’affirmation concomitante de la continuité physique existant entre tous les êtres.

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« Le Poinçonneur des Lilas » ou le travail - réducteur de tête

C’est en juin 1957 que Serge Gainsbourg a déposé à la Sacem Le poinçonneur des Lilas. A cette époque, il hésitait encore sur ce qu’il allait faire de sa vie professionnelle. Il venait d’abandonner la peinture pour accompagner, à la guitare ou au piano, la chanteuse Michèle Arnaud qui se produisait au Cabaret Milord l’Arsouille, près du Palais Royal. Il habitait alors dans une chambre de bonne, au 7° étage d’un immeuble du XVI° arrondissement [1].

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La représentation de l’intériorité animale dans la peinture occidentale à partir du XVII° siècle

 

Cet article s’inscrit dans la trace de ceux que j’ai consacrés à nos relations de travail avec les animaux domestiques : Rosa Bonheur  et le travail animal : le labourage nivernais,  Du travail animal et Travailler avec les animaux. Aussi, je vous invite à les consulter, avant ou après la lecture de celui-ci.

Dans Par-delà nature et culture, l’anthropologue Philippe Descola dresse une typologie des représentations que les sociétés humaines se font de la place de l’homme dans le monde, parmi les autres espèces, vivantes ou minérales. Cette typologie est construite à partir de deux dimensions : l’intériorité – ou l’esprit ou l’âme… –  des étants d’un côté et  leur corporéité ou matérialité de l’autre. Pour chacun de ces critères, les sociétés que l’historiographie ou l’ethnographie ont décrites ont-elles considéré ou considèrent-elles que l’espèce humaine  est en continuité ou en rupture avec les autres ? Selon la réponse donnée, quatre types de représentation sont possibles et ont effectivement été portés par des groupes humains. Descola les qualifie d’ontologie et, en partie à partir d’une terminologie conventionnelle, les baptise ainsi : l’analogisme, le naturalisme, l’animisme et le totémisme. Le tableau ci-dessous permet de les repérer simplement.

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Mais comment s’y sont ils pris pour accrocher Jésus sur sa croix ?

Question futile s’il en est aux yeux des chrétiens, mécréante et impie. Ce qui compte évidemment pour les fidèles, c’est la signification théologique de l’évènement : Dieu incarné souffrant le martyr pour la rédemption de nos péchés. Le moyen par lequel cela fut possible n’a aucun intérêt. Il n’y a d’ailleurs pas d’église qui ne nous le rappelle en multipliant dans son enceinte des représentations du Christ érigé sur sa croix.

Mais cette question futile, des peintres se la sont posée. C’est le constat que j’ai pu faire à l'occasion d’un voyage à Venise, en contemplant deux œuvres, exposées pour l’une à la Galerie de l’Académie, pour l’autre dans l’église Madonna dell’Orto.

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