La Chine sous Mao ou le travail pris dans les filets de l’idéologie – 2ème partie

La première partie de cet article consacré aux représentations du travail sous la République Populaire de Chine s'était arrêtée en 1965 (Voir La Chine sous Mao ou le travail pris dans les filets de l’idéologie – 1ère partie). En voici la suite qui s'ouvre sur le Révolution culturelle et s'achève sur les mutations économiques ouvertes après le décès de Mao Tsé-toung.

La révolution culturelle ou l’idéologie première

Après l’échec du Grand Bond en Avant, Mao Tsé-toung fut confronté à de fortes oppositions venant de l’intérieur du Parti Communiste. Il y fit face en lançant en 1966 dans tout le pays une campagne idéologique d’une ampleur et d’une durée inédite : la « grande révolution culturelle », 文化大革命 wénhuà dàgémìng.  

Pour  ce faire, il s’appuya sur la jeunesse, dont une partie le soutint en formant des brigades de gardes rouges 红卫兵  Hóng wèi bīng, chargées de mettre fin aux « quatre vieilleries » (四旧 sì jiù) : les « vieilles idées » ; la « vieille culture » ; les « vieilles coutumes » et les « vieilles habitudes ».

1 Chine 155
Le départ à la campagne, 1970

Ce mouvement eut un large écho international. Une de ses figures les plus connues fut probablement l’envoi, à partir de 1968, des étudiants et intellectuels dans les provinces rurales pour qu’ils s’imprègnent des réalités de la vie paysanne et de leur travail. C'était aussi le moyen de disperser les gardes rouges dont les milices avaient conduit le pays au bord de la guerre civile.

Ces jeunes partent en train de Shanghai pour la campagne ; ils manifestent leur enthousiasme de suivre les consignes de leur chef spirituel, en brandissant le recueil de « Citations du Président Mao » (毛主席语录, Máo Zhǔxí Yǔlù), connu en France sous le nom de « Petit livre rouge » [1].

Cette affiche [2] proclame, sur le bandeau vertical à droite : « Allez à la campagne, allez à la frontière, là où la patrie en a le plus besoin » ; sous le bras gauche de la passagère : « Il est nécessaire que les jeunes instruits aillent à la campagne et se fassent rééduquer par les paysans pauvres  et moyens ». Enfin, placardé sur le train, à gauche est indiqué la ville de départ, Shanghai et à droite « Apprendre du camarade Jīn Xùnhuá ».

Jīn Xùnhuá, 金训华 était un étudiant de Shanghai et un garde rouge actif. Il fut envoyé à la campagne en 1969 dans le Heilongjiang, à l'extrême nord-est de la Chine. En août de la même année, il sauta avec deux camarades dans une rivière en crue qui emportait deux poteaux électriques et ce serait noyé, après avoir sécurisé les poteaux, en essayant de sauver l'un des jeunes hommes. Quelque temps après, il fut présenté comme un modèle pour ce « sacrifice désintéressé » [3].

2 Chine 176
« Mettez tout ce que vous avez pour supporter l’agriculture », 1970

Devant une vaste étendue jaune qui pourrait être un champ de blé mûr si elle n’était pas en son fond traversée par des formes rouges qui ressemblent à des navires, un ouvrier agricole conduit d’une main un tracteur et de l’autre brandit les pensées du Président Mao [4]. Il n’y a dans ce missel aucune instruction technique qui pourrait être utile dans l’exécution du travail. En revanche, il fourmille de recommandations normatives sur la manière dont un authentique communiste doit se comporter dans la vie sociale et donc dans le travail. « Mettez tout ce que vous avez », « Faites effort » est en effet une des consignes récurrentes du petit livre rouge qui peut aussi bien s’appliquer aux activités productives, et ici particulièrement aux travaux agricoles.

3 Chine 186
« Pauvres et moyens paysans pour conduire la critique de Lín Biāo et Confucius », 1974

En 1924 alors qu’il avait 17 ans, Lín Biāo, 林彪 s'est engagé dans les  jeunesses communistes chinoises. Brillant soldat, il fut de tous les combats qui conduisirent à la victoire du PCC en 1949. Ministre de la défense et chef de l’Armée Populaire de Libération, il rédigea la préface du Petit livre rouge et organisa à partir de 1964 sa diffusion. Il soutint Mao au lancement de la révolution culturelle puis s’en écarta. Leur opposition déboucha sur sa brutale disparition dans un accident d’avion en 1971.  On cacha sa mort pendant un an puis en 1974, la quatrième femme de Mao, Jiāng Qīng 江青 lança une campagne de critique conjointe de Confucius et Lín Biāo.

A la suite du décès de ce dernier, des fouilles dans son appartement auraient conduit à la découverte de matériel (calligraphie, livres, notes, citations…) montrant son goût secret pour les principes philosophiques et éthiques de Confucius. C’est sur cette base qu’a été lancée cette campagne ; elle ne visait évidemment pas des morts, mais un vivant dont elle ne citait pas le nom, Zhou Enlai. La modération et le sens des compromis de ce dernier en faisaient pour la Bande des quatre un Confucéen. Elle n’eut pas l’effet escompté puisque Mao Tsé-toung continua de lui accorder sa confiance [5].

L’affiche ci-dessus [6] est donc le témoin de cette curieuse campagne. Elle sort les paysans de leur travail pour les engager dans une lutte idéologique qu’on doit supposer de première importance. C’est le mouvement inverse du départ à la campagne des intellectuels : la transformation des paysans en lettrés obéissants !

4 Chine 198
« L’homme triomphera de la nature », 1976

En juillet 1976 survint un terrible séisme près de Tángshān 唐山, une cité industrielle du nord est de la Chine dont le nom est écrit sur le maillot rouge de l’ouvrier. A sa droite un homme tient un livre sur lequel on peut lire : « Le Comité central du Parti Communiste Chinois a envoyé un message de condoléances aux habitants des zones sinistrées ». Selon les chiffres officiels, ce séisme aurait fait 240 000 morts.

C’est en réponse à cet évènement dramatique que parait cette affiche [7] qui fait l’éloge de la détermination humaine. « L’homme triomphera de la nature » déclare la première ligne du bandeau inférieur ; et la seconde : « Le ciel tombe et la terre tremble. Avec vos mains,  dessinez un nouveau monde».

Deux mois plus tard, en septembre, s’éteignait Mao Tsé-toung. Aussi ce poster peut il être interprété comme une sorte de testament politique. Mao en effet a toujours été guidé par l’idée que la volonté et l’idéologie étaient la voie royale pour changer les hommes et donc les choses. Il a lancé la révolution culturelle pour débarrasser la Chine de ses « vieilleries » et éloigner tout risque de « révisionnisme ». Mais si les idées les plus honnies furent celles de Confucius, la rupture avec le taoïsme apparait ici encore plus flagrante. Cette sagesse dont les racines plongent probablement dans l’animisme chinois préconisait le « non-agir » qu’il faut entendre comme un agir épousant le Tao (ou le Ciel ou la Nature qui en sont des équivalents) c'est à dire respectant le cours naturel des choses. Ainsi  Lao-Tseu soulignait-il qu’« en n’agissant pas, il n’y a rien qui ne se fasse » [8] et Tchouang-Tseu [9], l’autre grand fondateur de cette école de pensée, écrivait-il : « La nature régit le monde (…). Il ne faut pas (la) violenter, même sous prétexte de la rectifier (…) Gardez vous de vouloir allonger les pattes du canard ou raccourcir celles de la grue. Essayer de le faire leur causerait de la souffrance, ce qui est la note caractéristique de tout ce qui est contre nature, tandis que le plaisir est la marque du naturel » [10]. Mais le taoïsme s’étant toujours tenu à l’écart du politique aurait été une cible inoffensive et sans intérêt pour Mao, alors que le confucianisme qui a structuré les mœurs et la pensée politique de l’Empire chinois pendant plus de 2000 ans était un adversaire idéologique bien plus consistant.

La deuxième révolution communiste : le recours au capitalisme

Les deux principaux dirigeants chinois, aux manettes du pays depuis la fin de la guerre civile, disparaissent en 1976 à quelques mois d’intervalle. S’ouvre alors pour le Parti Communiste Chinois une succession pour laquelle il aura à choisir entre la radicalité de Mao incarnée par sa veuve Jiāng Qīng  ou le pragmatisme de Zhou Enlai et son successeur spirituel, Dèng Xiǎopíng 邓小平. Le choix fut en fait très rapide : un mois après la disparition de Mao, la « Bande des quatre » est arrêtée sur ordre du Président du PCC, Huá Guófēng 華國鋒 [11]. Elle est accusée d’avoir été l’instigatrice des désordres de la Révolution Culturelle.

5 Chine 205
« Augmenter la production pour compenser  les pertes dues à la Bande des quatre », 1977

La « Bande des quatre » (四人帮 sì rén bāng) est le nom donné à un groupe de dirigeants de Shanghai qui ont œuvré avec Jiāng Qīng, la quatrième épouse de Mao, pour attiser les feux de la Révolution culturelle. Bien que celle-ci fut mise en sourdine par Mao Tsé-toung lui-même entre 1967 et 1969, elle s’est poursuivie sous des formes atténuées. Très active après le décès de Zhou Enlai pour écarter Dèng Xiǎopíng et combattre tout « révisionnisme » visant à abandonner la voie du communisme, la bande des quatre fut à son tour écartée après la mort de Mao. Le chaos dans lequel la Révolution culturelle avait entrainé la Chine leur fut en effet imputé [12], en même temps qu’était préservée la mémoire du Grand Timonier qui en avait pourtant été le promoteur. 

7 Chine 215
« Le peuple uni se lance dans les quatre modernisations », 1979

Zhou Enlai avait proposé dès 1963 d’embarquer le pays dans ces quatre modernisations (四个现代化, sì gè xiàndàihuà), mais elles avaient été mises complètement sous le boisseau par la Révolution culturelle qui avait donné à la lutte idéologique et politique la priorité sur le développement économique. En janvier 1975, alors que sa santé était très déclinante, il tint à venir à nouveau les promouvoir devant une session de l’Assemblée nationale populaire. Il formula devant elle un ambitieux programme visant, avant la fin du siècle, à porter l’économie nationale aux premiers rangs du monde. Ce fut sa dernière apparition publique [13].

Dèng Xiǎopíng les présenta à nouveau en décembre 1978, en les accompagnants de propositions de réformes profondes les rendant possible [14].  Du fait de leur adoption par le Comité central du PCC, il se trouva intronisé comme le véritable successeur de Mao Tsé-toung, le nouveau Timonier. Il lança alors la Chine dans une nouvelle ère économique dont on connait aujourd’hui les résultats : elle est devenue en l’espace de 40 ans la deuxième puissance économique du monde et sa principale usine.

6 Chine 212
« Aimer la science, étudier la science, utiliser la science », 1980

Les affiches de propagande se font rares dans cette nouvelle période. Celle-ci est intéressante [15] car elle montre un nouvel état d’esprit, celui du privilège accordé à la  science et à la technique sur le discours politique de motivation au travail.

Au premier plan, une jeune femme est plongée dans l’étude d’un ouvrage, le crayon à la main pour l’annoter ; elle manifeste sa concentration en se tenant le menton. Derrière elle sont présentés les produits les plus emblématiques de la science et de la technique modernes : tracteur, avion, sous-marin, train, fusée, pupitre de commande, etc. Ils ont tous été inventés et mis au point en Europe de l’ouest ou aux États-Unis. Ils sont la raison matérielle de leur supériorité économique.

En effet, ce qui fait la productivité du travail, ce ne sont pas tant les bras humains, toujours trop faibles même lorsqu’ils sont nombreux, que les outils et les machines couplés à l’énergie qui les animent [16]. Contrairement aux affiches de l’époque de Mao, dans celle-ci ce ne sont plus des travailleurs manuels qui sont mis en avant, mais des hommes ou des femmes – curieusement représentés comme des poupins – qui pilotent des machines.

Dèng Xiǎopíng ouvrit la Chine aux capitaux, aux méthodes économiques et aux techniques de gestion des entreprises occidentales. Il engagea ainsi le pays sur une voie capitaliste, tout en maintenant l’exclusivité du pouvoir politique au Parti Communiste. L’extraordinaire croissance qu’a connue la Chine pendant 40 ans a été une croissance de rattrapage. Ayant désormais rejoint l’occident sur le plan scientifique et technique, elle avancera probablement à un rythme résiduel de productivité, le même grosso modo que ses concurrents. Mais c’est une autre histoire…

Ceux qui sont intéressés par la Chine contemporaine peuvent consulter mon carnet de voyages : Encre de Chine.

 

[1] Il est aussi appelé en Chine « Les Plus Hautes Directives » (最高指示, zuì gāo zhǐshì).

[2] Affiche publiée par le Groupe révolutionnaire de publication de Shanghai

[3]. Source : https://chineseposters.net/themes/jinxunhua

[4] Auteur : Zhou Pengfei

[5] Source : Roderick Macfarquhan et Michael Schoenhals, La dernière révolution de Mao. Histoire de la révolution culturelle. 1966-1976, Gallimard, 2009

[6] Auteur : Zhao Guide. Le bandeau horizontal proclame : « Poursuivre la lutte pour la critique de Lín Biāo et Confucius » ; le rouleau au-dessus du calligraphe : « Les paysans pauvres et moyens ont courageusement été des pionniers en critiquant Lín Biāo et Confucius » (p 186)

[7] Affiche publiée par le Bureau des affiches de propagande de Shanghai

[8] Lao-Tseu, Le Livre de la Voie et de la Vertu, ch XLVIII, trad J-J-L Duyvendak, Librairie d’Amérique et d’Orient, Paris, 1975

[9] Lao-Tseu aurait vécu entre le milieu du VIe siècle et le milieu du Ve siècle avant l’ère commune ;  Tchouang-Tseu au siècle suivant.

[10] Tchouang-Tseu, L’œuvre de Tchouang-Tzeu, ch. 8, trad. Léon Wieger, Imprimerie de Hien Hien, Héjiān, 1913

[11] Huá Guófēng a été nommé Premier ministre au décès de Zhou Enlai par Mao Tsé-toung, puis il a été élu Président du Parti Communiste Chinois après celui de Mao.

[12] Auteur de l’affiche : Hu Zhenyu

[13] Source : Jean Luc Domenach et Philippe Richer, La chine 1949-1985, Imprimerie nationale, 1987

[14] Auteur de l’affiche : Lin Shiqing

[15] Auteur : Chen Long

[16] Ceux que le sujet intéresse peuvent consulter dans ce même bloc-notes l’article « De la productivité du travail et de certaines de ses conséquences… » en cliquant ici.


Le travail contre nature : entretien en balado

Bertrand Jacquier, un collègue psychologue du travail, tient avec talent, depuis un an, une fort intéressante chaine de baladodiffusion (podcasting) sur les questions du travail.

Lecteur de mon livre et de mon bloc-notes, il m'a proposé un entretien dont Le travail contre nature serait le fil rouge. J'ai évidemment accepté.

Voici le balado qu'il a réalisé à partir de cet entretien.

Vous pouvez écouter ses balados et vous abonnez à sa chaine en vous y connectant par ce lien : Le psy du travail

 

 


Retour d’un brin de sagesse politique en 2025 ?

Dur, dur, cette année 2024. Sans la parenthèse pacifico-ludique des Jeux Olympiques, elle aurait été, en France et dans le monde, bien noire. Et elle va peser lourd dans la balance de l’année prochaine : instabilité politique en France, guerres en Palestine et en Ukraine, un peuple Syrien libéré d’un despote sanguinaire sans garantie de suite bénéfique, un Président récidiviste aux États-Unis, partisan du jeu de quilles…

Alors pour cette année encore vierge, espérons que des brins de sagesse fleurissent dans l’esprit de nos dirigeants. La noblesse de la politique, quand le bateau tangue, ce n’est pas d’exacerber les divisions mais de chercher les voies modestes du moindre mal, pour éviter le pire.

Allez, à tous : Bonne année 2025 !

*****

J’ai créé ce bloc-notes en décembre 2013. Cela fait donc 10 ans maintenant que je l’approvisionne régulièrement d’articles, à un rythme désormais bimestriel. Une fois par an, j’en examine sa fréquentation.

Celle-ci a cru régulièrement jusqu’à connaitre un pic en 2021, aidé en cela probablement par l’épidémie de Covid. Depuis, elle décroit. En moyenne, elle est ainsi passée de 80 consultations quotidiennes en 2022 à 60 en 2024. Cela reste me semble t’il honorable, même si je ne sais pas ce que les gens qui passent en pense et y font.

Je sais en revanche quels sont les articles les plus visités. A l’exception du premier de la classe qui n’a jamais été détrôné depuis qu’il est paru, leur place évolue avec le temps et les nouvelles publications sans être toutefois radicalement bouleversé. Voici le tableau des 20 premiers en 2024. Vous pouvez consulter ceux qui vous intéressent en cliquant sur leur titre.

Titre de l’article

 

Date de publication

 

Rang en 2023

1.     Tripalium, une étymologie populaire… mais fausse

Septembre 2016

 

1

2.     Rosa Bonheur et le travail animal : Le labourage nivernais

Mai 2022

4

3.     Jérôme Bosch : Le jardin des délices et du désœuvrement

Janvier 2017

 

6

4.     L’homme à la croisée des chemins, Diego Rivera, 1934

Août 2019

 

2

5.     Peindre le travail et la reconstruction. Les constructeurs de Fernand Léger

Janvier 2020

3

6.     Jean-François Millet, peintre de la condition humaine

Mai 2018

 

8

7.     Toulouse Lautrec et les maisons closes

Septembre 2020

 

5

8.     Chanter le travail : « Work song » de Nina Simone

Juillet  2021

 

9

9.     Le pont du Gard, un travail de Romain

Mars 2016

 

12

10.  Le tambour chamanique Sami, une représentation de la place des hommes dans le monde

Décembre 2020

11

11.  Le petit Paradis illustré

Janvier 2017

 

15

12.  La peinture chinoise des lettrés ou comment célébrer l’harmonie de l’homme avec la nature

Octobre 2021

10

13.  Picasso en travail pour accoucher de « La vie » - 1903

Avril 2019

 

7

14.  Les Impressionnistes et leurs successeurs, témoins de l’industrialisation de la France (1870 – 1914) – Première partie

Mai 2021

14

15.  Les shadoks, ces héros du labeur inefficace

Novembre 2022

 

 

16.  Les Impressionnistes et leurs successeurs, témoins de l’industrialisation de la France (1870 – 1914) – Deuxième partie

Juin 2021

18

17.  Chanter le travail : « Les mains d’or » de Bernard Lavilliers

Avril 2021

17

18.  Le Greco : c’est dans la valeur donnée à l’œuvre que se reconnait le travail

Novembre 2020

13

19.    Les mutations longues du travail : le cas de la médecine dans les sanctuaires d’Esculape

Avril 2020

20

20.  Travailler, même au Paradis

Janvier 2017

 

16

 

Seule entrée dans ce classement en 2024, bienvenue aux inénarrables Shadoks qui s'interposent entre les impressionnistes !

A l’exception des deux premières années (2014 et 2015) et des deux dernières (2023 et 2024), toutes les autres sont représentées, avec une mention spéciale pour 2020 et 2021 qui placent 5 articles chacune dans cette liste. Étais-je mieux inspiré ces années là ?

Mais comme les années précédentes, je souhaite ajouter à ces promus une quintette de mal-aimés ou d’ignorés en 2024 qui auraient mérité mieux ! Ils n’ont que le tort du point de vue des moteurs de recherche de ne pas avoir dans leur titre de quoi les accrocher et les mettre en tête de leurs réponses.

N’hésitez pas à vous plonger dans leur lecture et à les commenter.

Titre de l’article

 

Date de publication

 

1.     Une révolution agricole à bout de souffle

Septembre 2017

 

2.     C’est l’agroécologie qui va nous sauver

Octobre 2019

 

3.     Le travail et la loi

Septembre 2015

 

4.     D’un usage politique du travail

Décembre 2014

 

5.     Le travail domestique, intime et clandestin

Mai 2014

 


La Chine sous Mao ou le travail pris dans les filets de l’idéologie – 1ère partie

A Shanghai, au 7° étage d’un ensemble immobilier est niché un musée privé qui recherche, conserve et expose les affiches de propagande produites en République Populaire de Chine de 1949 à 1997. Il a bien du mérite car bien que produites à l’époque en grande quantité, elles ont été pour la plupart détruites après la mort de Mao Tsé-toung. Or ce sont des témoignages historiques de première grandeur. Ils permettent de suivre les campagnes idéologiques et les mots d’ordre du Parti au pouvoir. Mais ils ont en outre un intérêt esthétique car si sur le fond les thématiques étaient imposées, la production en était  décentralisée, ce qui autorisait une grande variété de style et de qualité. 

C’est évidemment la manière dont le régime communiste met en scène le travail qui va ici nous intéresser et servir de fil rouge à cet article [1].

La production de richesses, nerf de la guerre

1 Chine 37a
« Cérémonie de fondation de la République Populaire de Chine », 1953
2 Chine 37b
« Cérémonie de fondation de la  République Populaire de Chine », 1972

 La République Populaire de Chine fut fondé le 1° octobre 1949. Une cérémonie officielle conduite par Mao Tsé-toung eut lieu depuis le balcon de la Porte de la Paix Céleste qui donne sur la Place Tian'anmen. C’est cet évènement que les deux affiches [2] reproduisent ici. La première date de 1953, la seconde de 1972. Entre ces deux dates deux dirigeants du Parti Communiste Chinois qui participaient à cette manifestation ont été écartés du pouvoir, puis de l’affiche : Gāo Gǎng, 高岗, accusé d'« activités fractionnelles » et de « complot contre le comité central » se serait suicidé en 1954. C’est celui qui figurait à l’extrême droite du groupe des personnalités ; Liú Shàoqí, 刘少奇, arrêté lors de la Révolution culturelle, meurt en prison en 1969 ; il est le deuxième sur la gauche, et fut remplacé sur l’affiche par Dǒng Bìwǔ, 董必武, membre fondateur du PCC en 1921 et vice-président de la République Populaire de Chine de 1968 à 1972.

3 Chine 49
« Avec des céréales, de l’argent et de la main d’œuvre, battons nous résolument pour résister aux États-Unis, aider la Corée et défendre notre pays », 1951

Officiellement, la Chine ne participa pas à la guerre de Corée (1950-1953), mais elle envoya une « armée populaire de volontaires chinois » (中国人民志愿军 Zhōngguó rénmín zhìyuànjūn) se battre au côté de la Corée du nord contre les troupes onusiennes. Aussi, la guerre est-elle très présente dans les affiches de cette époque.

Produire et lutter contre l’impérialisme vont d’un même pas, le premier étant nécessaire aux succès du second. Ce qui est frappant toutefois, c’est que dans ces premières affiches, la mécanisation est peu présente. Dans celle ci-dessus [3], les paysans sarclent avec des houes et ce sont des chevaux qui tirent le matériel militaire.

4 Chine 62
« Accélérer la production et se prémunir contre le gaspillage pour renforcer la défense nationale », 1952

Dans celle-ci [4], remarquablement composée, sur le fond rouge du drapeau national deux paysans souriants sont placés au centre de l’image. La femme porte une brassée de bourres de coton et l’homme une gerbe de riz. Sous eux, est étendue une guirlande de légumes et le slogan qu’illustre l’affiche. La mécanisation, c’est sur les côtés qu’elle est présente, sous forme de chars, de canons et d’avions de chasse : les mains et la bienveillance d’un sourire d’un côté et de l’autre la menace du déchainement des armes.

La voie chinoise vers le socialisme

Si le mouvement communiste depuis sa naissance au XIX° siècle s’opposait frontalement au capitalisme qu’il voulait abattre, il en partageait la finalité productive : produire beaucoup et de plus en plus. Mais, ainsi que le proclame cette affiche, selon une voie qui lui était propre.

5 Chine 76
« S’engager résolument sur la voie du socialisme », 1955

C’est une spécificité de la révolution chinoise de s’être appuyé sur une paysannerie pléthorique plutôt que sur un prolétariat démographiquement marginal. Cela se manifeste ici par le choix de l’illustration [5] : un paysan au visage sympathique, une pipe dans la main gauche, ramène son bœuf à l’étable. C’est une image de sérénité que véhicule cette affiche, atténuée toutefois si on regarde avec attention l’arrière plan, par la représentation d’un attroupement autour d’un canon mobile.

Mais cette voie du socialisme, comment se traduisit-elle dans le travail et son organisation ? Qu’en disent les affiches ?

6 Chine 82
« En 1959, lutter pour produire plus d’acier, de meilleure qualité », 1958

Voici une illustration typiquement chinoise [6]. Deux ouvriers tiennent à la main une longue tige métallique qui signe leur appartenance au monde de l’industrie du fer et du feu. Rendus solidaires par le bras de l’un entourant les épaules de l’autre, ils se tiennent fermement sur la tête d’un dragon. Le dragon chinois n’est en rien maléfique ; il est un symbole de sagesse, de pouvoir et de bon augure. C’est une des figures du zodiaque, qui selon les occurrences, va être de bois, de métal, d’eau, de terre ou de feu comme sur cette illustration. De feu, il symbolise alors une énergie indomptable.

La mobilisation du peuple et des travailleurs autour de slogans politiques – et la production d’affiches qui l’accompagne – est une constante de la gouvernance de Mao Tsé-toung. C’est une première différence avec la voie capitaliste : la motivation des travailleurs passe par une sorte d’appel à leur conscience politique, un ressort jamais utilisé par les patrons d’Europe occidentale [7] ou des États-Unis…

Son efficacité productive, toutefois, a été en Chine historiquement réduite.

Le Grand Bond en Arrière ?

7 Chine 90
« Les fleurs du Grand bond en avant s’épanouissent pleinement », 1960

Le pouvoir communiste a d’abord inscrit ses pas dans les méthodes soviétiques qui privilégiaient le développement industriel sur une base urbaine.  Face aux difficultés de mise en place d’un tel modèle, inadapté à la réalité rurale chinoise, le gouvernement lança en 1958 une initiative économique qu’il baptisa de « Grand bond en avant » (大跃进, Dà yuèjìn). Les campagnes devaient  en être le moteur, avec comme unité de base la commune populaire. S’appuyant sur une main d’œuvre rurale, le développement industriel en restait l’objectif central comme le montre la belle illustration ci-dessus [8] qui en décline les secteurs : chemin de fer, fonderie, textile, charbon et construction.

8 Chine 91
« Longues vies aux communes populaires », 1959

Avec cette nouvelle initiative, la cellule économique de base devenait la commune populaire et en leur sein, les coopératives. A en croire l’affiche ci-dessus [9], c’est dans une sorte de liesse que le peuple accompagna leur naissance et les objectifs de production.

Au premier plan, sous des légumes et fruits joufflus, défilent les animaux de la ferme. Au deuxième plan, des villageois sont représentés dans la diversité de leurs fonctions : enseignant, soldat, manutentionnaire, paysanne et ouvrier ; les deux derniers brandissent ensemble une gerbe de blé sur laquelle est inscrite les deux caractères de la promesse de cette longue vie : une bonne récolte, 丰收 fēngshōu. Et à l’arrière se profilent des reliefs karstiques escarpés, au pied desquels, enveloppés dans une élégante fumée blanche, on devine des usines.

9 Chine 103
« Être polyvalent sur le front de l’agriculture », 1959

Mais outre le renforcement du mouvement de collectivisation, le Grand Bond en Avant se caractérisait par la volonté de faire des communes rurales des lieux de production polyvalents dont une des formes les plus surprenantes fut la décision d’implanter dans les villages des petites fonderies d’arrière cour pour doper la production d’acier [10]. C’est cette polyvalence rurale que proclame cette affiche Achimboldesque [11] : cette paysanne à la pose martiale est en même temps un soldat et un ouvrier. La bandoulière qui tient son fusil reproduit quatre figures du développement économique : des cheminées d’usine, la mécanisation de l’agriculture, une coulée d’acier et l’électrification du pays.

10 Chine 88
« En 15 ans, dépasser l’Angleterre », 1958

Sur cette affiche [12], la bannière que tient l’ouvrier qui chevauche le dragon proclame qu’il faut « redoubler d’ardeur et viser l’excellence pour construire le socialisme plus rapidement et plus efficacement » (鼓足干劲力爭上游 多快好省地迠設社會主义. Gǔ zú gànjìng lìzhēngshàngyóu. Duō-kuài-hǎo-shěng dì chè shè shèhuìzhǔyì) C’est ainsi qu’en trois plans quinquennaux successifs, la Chine devait rattraper l’occident et nommément l’Angleterre par qui avait commencé en 1850, avec la première guerre de l’opium, le « siècle de l’humiliation » chinoise.

11 Chine 104
« Creuser des rivières et réparer les systèmes d’irrigation pour éviter les problèmes d’inondation et de sécheresse et assurer une récolte exceptionnelle », 1960

Mais la main d’œuvre ploya sous la multiplicité des tâches. Elle fut réquisitionnée pour la construction de routes et de ponts, la production d'acier ou comme on le voit dans l’affiche ci-dessus [13] pour les grands travaux hydrauliques. La mécanisation y apparaît absente. C’est en poussant avec un large sourire une brouette chargée de boue ou en portant des palanches que ces travaux furent glorifiés. Une sorte de stratégie du nombre chargée de compenser l’insuffisance en machines.

12 Chine Les 4 pestes
« Exterminer les quatre nuisibles », 1958

A cela s’est ajouté des mobilisations hygiénistes de la population qui se sont révélées contre productives, comme celle de l’éradication des quatre nuisibles (除四害运动 chú sì hài yùndòng) [14], à savoir les mouches, les moustiques, les rats et les moineaux.

13 Chine Chasse aux moineaux
« Tout le monde se mobilise pour abattre les moineaux », 1956

Les moineaux avaient été introduits dans cette liste car en se nourrissant de graines de céréales, ils diminuaient les récoltes. Mais exterminés, le pouvoir se rendit compte qu’ils mangeaient aussi des insectes et qu’ils participaient ainsi aux équilibres écologiques agricoles. Faute d’oiseaux, les criquets prospérèrent. En 1960, le gouvernement substitua dans sa liste les punaises aux moineaux…

Du fait de ces multiples mobilisations, les bras manquèrent dans les champs et la production agricole en pâtit. L'agriculture chinoise ne retrouva son niveau de 1957 qu'en 1963. On estime que le Grand Bond en avant, arrêté seulement deux ans après son lancement, s'est soldé par une famine qui fit entre vingt et trente millions de morts dans les campagnes [15].

Une anthropologie de l’homme au travail

Si la voie socialiste consistait en la promotion d’une organisation sociale différente de celle prévalant en occident, les affiches de propagande dessinaient également des leviers spécifiques de mobilisation de l’homme au travail.

14 Chine 56
« L’entraide et l’affection mutuelle poussent activement la production », 1954

Un couple se réjouit d’effectuer une tâche agricole des plus aisées : la femme se tient sur la première marche d’un escabeau, saisit une pomme à hauteur de ses yeux, et finit de remplir un panier que son homme s’apprête à saisir pour l’emporter vers une benne ou un lieu de stockage [16]. La récolte est abondante, les pommes à portée de main, le travail s’effectue dans la bonne humeur et l’amour. C’est une scène qui pourrait être celle de l’Éden avant la chute (voir l’article Travailler, même au Paradis).

15 Chine 64
« Garder la forme pour accélérer la production », 1953

Cette fois-ci [17], c’est un exercice physique, préparatoire à un travail qui se profile en arrière fond : des tâches industrielles symbolisées par des cheminées fumantes. Il est exécuté sans effort et dans la joie. Ces ouvrières ressemblent à des poupées mécaniques, souriantes et coordonnées. Il n’est que la coupe de cheveux et la couleur des vêtements pour les distinguer. Un seul peuple de femmes, unifiées et disciplinées…

16 Chine 53
« Le bonheur d’une bonne récolte », 1951

Parmi l’ensemble des travaux agricoles, c’est le moment de la récolte que la majorité des artistes choisisse d’illustrer [18]. Et pour cause : c’est évidemment vers elle que tendent tous les efforts des paysans ; elle est en elle-même la récompense de leurs efforts. Ce choix évite en outre de mettre en avant les travaux plus ingrats qui précédent et permettent la moisson.

17 Chine Modenisations 136
« Travaillons dur pour réaliser les quatre modernisations », 1965

En 1963 à Shanghai, Zhou Enlai propose des objectifs de développement de la Chine concentrés sur quatre secteurs stratégiques : l’agriculture, l’industrie, l’armée, les sciences & technologies. Mao Tsé-toung les reprend à son compte l’année suivante.

La rhétorique sans parole de ces quatre affiches [19] qui datent de 1965 est savamment construite. Au premier plan figurent des couples de travailleurs dotés des attributs qui permettent d’identifier leur métier ; derrière eux se profile la Chine future dont ils seront les accoucheurs. 

 C’est ainsi que se dessine, au travers des affiches de propagande de ces époques, les arguments censés motiver les masses productives : la lutte contre l’impérialisme, l’entraide et la coopération, la joie de la récolte, l’exercice physique, les mobilisations politiques, la promesse du développement futur de la patrie…

Mais va bientôt se lever une tempête politique qui, pour de nombreuses années, va mettre à l’arrière plan la question du développement économique de la Chine : la Révolution culturelle !

A suivre…

 

[1] A deux exceptions près citées en note, toutes les illustrations de cet article sont tirées du catalogue de ce musée : Modern chinese poster collection, éditeur Yang Pei Ming, Shanghai, 2019

[2] « Cérémonie de fondation de la  République Populaire de Chine », 1° édition à gauche (1953), 3° édition à droite (1972). Auteur : Dong Xiwen

[3] Auteur : Liu Qi

[4] Auteur : Luo Xing

[5] « S’engager résolument sur la voie du socialisme » 坚决走社会主义的道路 Jiānjué zǒu shèhuìzhǔyì de dàolù. Auteur : Qian Daxin

[6] Auteur : Ha Qiongwen

[7] Alors qu’il participait au gouvernement provisoire de la France libre présidé par le général de Gaulle, le parti Communiste français s’engagea également dans cette voie. Il soutint en effet avec vigueur auprès du monde ouvrier et notamment des mineurs la « bataille de la production » pour accélérer le redressement du pays.

Source : Serge Curinier, article « Les communistes, le charbon et la reconstruction (1944-1947) », dans  Reconstruire le Nord – Pas-de-Calais après la Seconde Guerre mondiale (1944-1958), sous la direction de Michel-Pierre Chélini et Philippe Roger.

[8] Auteur : Guo Bin

[9] Auteur : Hua Qiongwen

[10] Source : John K Fairbank et Merle Goldman, Histoire de la Chine. Des origines à nos jours, Edition Taillandier, Paris, 2010, p 529

[11] Auteur : Huang Jing, 1959 p 103

[12] Pas d’auteur identifié (production collective)

[13] Auteur : Guo Renyi

[14] Les deux affiches qui illustrent cette lutte sont tirées du site https://chineseposters.net/themes/four-pests

[15] Source : Histoire de la Chine, p 525

[16] Auteur : Zhang Biwu

[17] Auteur : Jin Zhaofang

[18] Celle-ci a pour auteur Yuan Xiutang

[19] Auteur : Wang Weixu


Le portrait de Louis Pasteur par Albert Edelfelt ou comment représenter le travail scientifique

Cette image vous est probablement familière car c’est elle qui, immanquablement, est reproduite dans les livres d’histoire lorsqu’ils traitent du développement scientifique au XIX° siècle. J’ai découvert, lors d’une exposition au Petit Palais, qu’un peintre Finlandais, Albert Edelfelt, en était l’auteur [1].

Mais l’idée de consacrer un article dans mon bloc-notes à ce portrait (ci-dessous, à gauche) est née de sa confrontation dans l’espace de cette exposition avec cet autre (à sa droite), consacré également à Pasteur, accroché non loin de lui. La différence est saisissante, non pas tant sur le plan du talent des peintres que sur la manière de rendre compte du personnage. Dans le premier, Louis Pasteur est saisi dans son laboratoire, en plein travail, alors que dans le second, il apparaît en grand-père protecteur, auréolé d’une gloire toute Napoléonienne, mais sans  aucune référence aux raisons de cette gloire : ses nombreuses découvertes médicales et notamment celle qui lui conféra une aura internationale, la vaccination contre la rage.

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Jean Jacques Audubon, un peintre d’oiseaux sans âmes, devenu défenseur de la nature ?

Ce texte était trop long pour être inséré dans le chapitre « Portraits d’animaux » de l’article sur « La figuration des animaux en régime naturaliste : de la brute au Memento animalis es ». Aussi l’en ai-je extrait. Il  constitue une sorte de zoom sur la question des figurations scientifiques d’animaux, établi à partir de l’œuvre étonnante d’un peintre aventurier, ornithologue, autodidacte, porteur d’un projet encyclopédique de description des oiseaux d’Amérique.

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Rien de virtuel dans les réseaux numériques planétaires !

Voici le premier article de la série que j’ai décidé de consacrer aux technologies numériques et à leur impact sur le travail et la nature (voir « Les technologies numériques, fer de lance de la révolution industrielle ou son chant du cygne ? »). Il est issu d’un voyage d’étude organisé à Marseille par une Association de promotion du dialogue social [1] dont je suis membre. Lors de ce voyage, nous avons notamment visité un des Centres de données (data center) du concentrateur (hub) qu’Interxion exploite à Marseille.

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Les technologies numériques, fer de lance de la révolution industrielle ou son chant du cygne ?

Les technologies numériques envahissent notre quotidien et s’immiscent dans tous les interstices de notre vie individuelle et collective : économique, sociale, relationnelle, culturelle, politique... Elles nous mobilisent tous d’une manière ou d’une autre, les enthousiastes comme les sceptiques.

Nous vivons des temps que l’on peut qualifier de révolutionnaires car ils vont, en quelque dizaines d’années, transformer radicalement nos conditions et nos modes de vie, que nous le voulions ou non, que nous nous y préparions ou non. Nous allons les vivre alors que la civilisation industrielle qui aujourd’hui domine  le monde entre en contradiction avec elle-même. Elle va devoir en effet rapidement se passer des énergies fossiles dont la consommation intense a assuré sa croissance inouïe.  Mais dans sa phase actuelle de développement censée assurer le relais de productivité qui est son carburant, elle s’appuie sur des technologies numériques qui sont consommatrices d’énergie.

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La paix ! La paix ! La paix !

Le nouvel an, c’est la période des vœux, alors autant commencé par celui-ci !

Il n’y a pas de bonheur privé possible sous les bombes et les atrocités de la guerre. Nous en sommes heureusement épargnés en France, mais elle est à nos portes : en Ukraine depuis bientôt deux ans [1], les massacres en Israël puis l’effondrement de Gaza en représaille cette année. En 2022, 56 États connaissaient un conflit armé sur leur territoire [2]. Quel gâchis ! Quel déploiement de violence ! Comment imaginer relever les défis du changement climatique et renouer un rapport raisonnable à la nature si au lieu de nous soucier du monde qui nous entoure et nous permet de vivre, nous cultivons la haine et l’esprit de revanche au sein de notre espèce ?

Alors oui, ce sera mon premier vœu. Qu’il n’ait en lui-même aucune efficacité, c’est le propre de tous les vœux. Ils sont là pour témoigner auprès de nos proches du bien qu’on leur souhaite. Alors j’en ajouterai deux : que tous ceux qui ici me lisent connaissent cette paix du corps qu’on appelle la santé et le bonheur de relations riches et joyeuses avec ceux qui les entourent et qu’ils aiment.

Bonne année 2024, envers et contre tout !

Kunming, le 31 décembre 2023 à minuit

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La figuration des animaux en régime naturaliste : de la brute au Memento animalis es

Cet article vient compléter celui sur « La représentation de l’intériorité animale dans la peinture occidentale à partir du XVII° siècle » qu’il est préférable de lire avant celui-ci.

Dans Les formes du visible, Philippe Descola indique que la « subjectivité ostensible des humains et l’agencement des qualités du monde dans un espace unifié (…) sont les deux indices qui dénotent le mieux le naturalisme en image » [1], car ils rendent visibles ses deux traits caractéristiques,  l’intériorité à nulle autre pareille des humains et l’affirmation concomitante de la continuité physique existant entre tous les êtres.

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