Le travail de destruction, une méthode de recrutement ?
02/03/2015
Fin février l’Etat Islamique a diffusé sur internet une vidéo où il met en scène la destruction d’œuvres antiques dans le musée de Mossoul, au nord de l’Irak. L’émotion et la peine ressenties par ceux qui attachent de la valeur aux productions du passé sont légitimes. Elles se sont exprimées par la voix de l’UNESCO qualifiant cet acte barbare de « nettoyage culturel ». Mais pour comprendre ce qui se joue là, la colère, fut-elle sainte, n’est pas la meilleure conseillère. Il vaut mieux chercher, me semble-t-il, à inverser son regard, en se demandant quel sens peut avoir cette destruction du point de vue de ceux qui l’ont réalisée, filmée puis diffusée ?
Dans la vidéo, un homme déclare en arabe classique : « Musulmans, ces reliques que vous voyez derrière moi sont les idoles vénérées à la place d’Allah il y a des siècles ». Que peut valoir une telle annonce ? L’Irak a été conquise par les arabes au VII° siècle et à l’Islam depuis cette date. Il aurait fallu donc attendre 13 siècles pour que de vrais croyants prennent enfin la mesure de l’insulte idolâtre ? La destruction d’idoles est certes une pratique religieuse dont il existe de nombreux exemples historiques. Même la révolution française l’a pratiqué, à l’envers, en mettant à bas ou mutilant les sculptures qui ornaient les porches de nos cathédrales. Ce que visaient alors ces destructions, ce n’étaient pas les idoles, mais les idolâtres. Or qui a jamais vu, dans des musées, des touristes ou des visiteurs s’agenouiller et prier devant les œuvres exposées ? Où sont les adorateurs de ces œuvres du passé ? Quel danger menace une religion révélée, venant de l’humanité qui l’a précédée ?
Si la revendication religieuse affirmée dans la vidéo n’est qu’un prétexte, alors quel peut être le véritable motif de cette promotion du travail destructif ? Je risquerai l’interprétation suivante :
Cette diffusion est un acte de propagande. Elle montre que leurs auteurs connaissent parfaitement les techniques de communication numérique contemporaine et les ressorts de la provocation. Il s’agit volontairement de choquer, donc de générer la réprobation du plus grand nombre et obtenir l’assentiment de certains. Mais l’assentiment de qui ? Il n’est probablement pas facile de trouver des candidats qui deviennent des auteurs zélés et obéissants d’actes apparaissant odieux aux plus grand nombre et qui acceptent même d’y perdre leur vie. Au fond ne s’agirait-il pas d’enchainer des actes de provocation ou de terrorismes qui constituent autant d’appel à candidature adressé via internet à toutes les populations musulmanes de la planète afin de recruter en leur sein des esprits fragiles et incultes, aimantés par les transgressions, la violence et la haine ?
Si cette analyse a quelque pertinence alors le résultat attendu de ce travail pour ceux qui l’ont commandé ne réside pas dans ce qu’ils en montrent, l’abattage d’œuvres antiques, mais dans l’arrivée espérée de nouveaux hommes de main, prêt à agir sur ordre de la même manière : abattre, briser, casser, détruire, éliminer…
________________________________________________________________________________________
Un compte-rendu des faits est accessible sur le site du Monde : Irak : les images d'un musée saccagé par des djihadistes
Commentaires