Des chevaux et de la ferraille
29/12/2013
En un titre et trois plans, Clio Barnard, l’auteure du film Le géant égoïste, qui sort en salle ces jours-ci, affirme son ambition : l’histoire locale qu’elle va nous conter est une fable sociale et écologique à portée universelle.
Ce titre, elle le reprend d’un conte d’Oscar Wilde dans lequel un géant interdit aux enfants de jouer dans son jardin. Elle le reprend, non pas pour désigner un personnage du film, mais pour la signification politique qu’il revêt à ses yeux : c’est un conte dit-elle « qui s'interroge sur le sombre destin d'une société qui choisit d'exclure ses enfants » (www.telerama.fr 17/12/2013).
Les trois premiers plans se succèdent sans transition, et annoncent dans leur superposition tous les nœuds de l’intrigue :
- D’abord un plan fixe sur une ligne d’horizon qui barre l’écran ; il fait sombre, mais nos yeux s’habituent et commencent à discerner, sur fond de ciel, des chevaux. La laideur du lieu n’apparaitra que plus tard, lorsqu’en plein jour se découvriront les prés pouilleux qui leur servent de pâture et au milieu desquels sont plantés d’immenses pylônes électriques
- Un jeune garçon, Arbor, sort hystérique d’un cauchemar et frappe en hurlant le plafond de bois de son lit. Un autre garçon, Swifty, apparaît – dormait-il dans le lit du dessus ? – et peu à peu le calme
- Les deux garçons se promènent à cheval la nuit. Ils découvrent une scène qu’ils surplombent et qui les intriguent : deux hommes déposent des câbles sur des rails de chemin de fer. Un train passe qui les sectionne. On découvre que ce sont des voleurs qui récupèrent du cuivre pour le revendre, le « métier » que les deux enfants, chassés de l’école, reprendront à leur compte pour gagner quelques sous.
Le géant égoïste, c’est d’abord l’histoire d’une amitié, complice, profonde, de deux gosses de Bradford, une ville du nord déshérité de l’Angleterre, qui affrontent ensemble, avec violence pour l’un et douceur pour l’autre, un monde hostile d’adultes, au milieu d’une nature désolée.
Le « travail » y est omniprésent ; il s’organise autour d’un ferrailleur et de ses fournisseurs, aussi louches les uns que les autres. La nature l’est aussi, louche et omniprésente. C’est une nature postindustrielle où le danger rode, sous forme de câbles électriques sous tension qui trainent sur l’herbe ou que l’on peut facilement extraire du sol – ce qui causera la mort de Swifty.
Le géant égoïste, c’est un film de fiction rigoureusement construit sur des alternances de dureté et de drôlerie, de paix et de violence, de ville et de campagne unifiées par un décor de carcasses et de déchets à l’abandon. Et c’est une sombre méditation sur le monde que la misère sociale et l’emprise industrielle sur la nature peuvent laisser à nos enfants…
En voici la bande-annonce qui, j'espère, vous donnera envie d'aller voir ce film :
Je sais ce qu'il me reste à faire…vous féliciter pour votre article !
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Rédigé par : cliquez | 11/01/2014 à 17:31