Le philosophe face au travail contemporain
11/06/2017
Le développement des sciences humaines, à partir de la fin du XIX° siècle, a progressivement fait perdre à la philosophie l’hégémonie qui était la sienne pour penser l’homme. Quelle est sa légitimité aujourd'hui pour investir le champ du travail, occupé par de nombreuses disciplines plus anciennes qu’elle sur ce terrain, et bien outillés méthodologiquement et conceptuellement ?
En juin 2016, j’ai assisté à deux journées d’étude organisées à l’Université de Nanterre, intitulées « Le philosophe et l’enquête de terrain : le cas du travail contemporain » qui d’une certaine manière s’est confrontée à cette question. Je vais ici en rendre compte avec les lunettes que je chausse aujourd'hui sur ce sujet. J’indiquerai ensuite ce que pourrait être la philosophie du travail aujourd’hui et à quoi elle pourrait servir.
La tradition philosophique et les données empiriques
Le rapport des philosophes aux données empiriques ne va pas de soi. Le privilège qu’ils accordent aux Idées et aux concepts et la méfiance qu’ils manifestent, a contrario, vis-à-vis du sensible ont pu varier selon les auteurs, mais ils correspondent à la plus grande tradition philosophique, de Platon à Heidegger.
Cette tradition, Pierre Bourdieu dans ses Méditations Pascaliennes[1] la qualifie de « scolastique » car il considère qu’elle a été produite par des hommes qui n’ont pas eu à s’affronter aux nécessités socio-économiques et n’étaient pas conscients que la skhole[2] dont ils bénéficiaient déterminait leur pensée. Il critique ce « regard scolastique, hautain et distant », cette « illusion universaliste de l’analyse d’essence » qu’il dénonce chez Platon, Kant, Heidegger, Sartre ou Habermas. Mais alors qu’il règle ses comptes avec cette philosophie, il place ce même ouvrage sous l’égide de Pascal, dont il cite nombre de pensées qui font écho aux siennes. Aussi, plutôt qu’une imputation déterministe à la skhole qui était aussi la disposition du philosophe auvergnat, il vaut mieux désigner cette tradition philosophique pour ce qu’elle est et non pas en référence aux hypothétiques conditions qui auraient contribué à la former. Cette tradition, on pourrait plus justement la qualifier d’idéaliste, d’essentialiste ou d’universaliste.
Mais il est un autre courant, plus récent, qui, au contraire, considère les données d’expérience comme le point de départ nécessaire à toute réflexion. Feuerbach semble bien être le premier à avoir théorisé cette posture, l’opposant à celle de l’Idéalisme alors outrageusement dominante en Allemagne[3] :
« La philosophie qui commence avec l’empirie reste jeune à jamais (…) car qui commence par la réalité et demeure en elle ne cesse jamais de ressentir le besoin de philosopher : l’empirie la laisse à chaque pas sur sa faim et l’oblige à revenir à la pensée »[4]
Comment désigner ce courant qui se propose de penser à partir de données empiriques, objectivées ? Je le baptiserais volontiers de « philosophie enquêtrice ». Cela permettrait en effet, dans le même mouvement, de signifier une volonté tenace et permanente de recherche des éléments qui pourront faire preuve, mais aussi une méfiance originelle vis-à-vis d’eux et des interprétations qu’ils peuvent susciter.
A partir du XX° siècle, ce courant s’est renforcé. On peut y ranger, à bon droit me semble-t-il, le pragmatisme américain, la théorie critique (Horkheimer), la philosophie du langage ou l’épistémologie.
« La philosophie est une réflexion pour qui toute matière étrangère est bonne, et nous dirions volontiers pour qui une bonne matière doit être étrangère »[5] déclare ainsi Georges Canguilhem dans Le normal et le pathologique.
Quelle relation aux « matières étrangères » ?
« Parler du travail sans aller y voir » comme l’a souligné une sociologue, comporte quelque risque, notamment celui d’ancrer sa réflexion dans son expérience personnelle ou ce qu’en disent les médias, et s’en tenir ainsi aux représentations communes. Mais le philosophe n’a pas de compétence en matière d’enquête, et s’il en a – ce qui est par exemple mon cas –, ce n’est pas une compétence philosophique. Même dans cette hypothèse, si elle lui donne un contact charnel avec des terrains qui peut toujours être utile, celui-ci reste limité et partiel. Cela ne saurait donc être suffisant au regard de la diversité de situations que présente le monde du travail contemporain, car le risque serait d’universaliser le particulier, voire même le singulier qu’on a connu subjectivement. Sa relation avec les données empiriques est donc nécessairement indirecte, avec des données de seconde main – des études de terrain et des synthèses – dont il aura à vérifier la qualité. Les échanges interdisciplinaires sont, en la matière, irremplaçables car ils permettent d’identifier ces travaux et de s’approprier les plus solides.
Mais une critique radicale s’est fait jour, dès la première de ces journées : le philosophe n’a pas de compétence en matière d’enquête et il ne dispose d’aucun monopole en matière de conceptualisation et de théorisation. Quelle est alors la nature spécifique de sa contribution ? A quoi peut-il bien servir ?
Il n’y a pas eu de réponse convaincante donnée à cette question par les philosophes présents, enseignants ou chercheurs. En revanche, trois communications ont permis me semble-t-il d’ouvrir des pistes sur ce que peut apporter une approche philosophique à la pensée sur le travail ou comment elle peut se saisir de ses réalités.
Penser le théâtre : une approche pragmatique de la scène et du geste
Flore Garcin-Marrou est philosophe de formation et Maître de conférences en études théâtrales à l’Université de Toulouse. Elle dirige également une compagnie théâtrale, La Spirale Ascensionnelle, qui questionne les écritures dramatiques contemporaines dans leur rapport à la pensée. Elle est cofondatrice du Labo Laps, un laboratoire de recherche indépendant pratiquant une philosophie dont le terrain est la scène théâtrale.
Elle date sa décision d’entrer sur ce terrain de sa participation à un colloque organisé à l’ENS sur la philosophie du théâtre ; elle s’est rendu compte à cette occasion que les philosophes intervenants pensaient le théâtre comme un objet extérieur à leur champ et ne s’intéressaient qu’à son essentialité. Le théâtre dont ils se saisissaient était sans ancrage scénique, sans acteurs, sans spectateurs…, sans la vie qui le produit. C’est à partir de là qu’elle s’est engagée dans le projet d’élaborer une pensée qui prenne en compte le théâtre dans toute son épaisseur et sa réalité. Cela l’a évidemment conduit à s’appuyer sur d’autres sources que celles utilisées par ses confrères. Si du théâtre ancien, ne nous sont parvenus que les textes des pièces, depuis le XVIII° siècle, on en trouve qui s’ouvrent à la vie théâtrale. C’est ainsi que Diderot fit suivre sa comédie en cinq actes, Le fils naturel, d’un dialogue sur la conception de la pièce : Entretiens sur le fils naturel. Il rédigea également un essai publié à titre posthume, Paradoxe sur le comédien dans lequel notamment il s’oppose au point de vue de son époque en prétendant que le bon comédien est celui qui est capable d’exprimer une émotion qu’il ne ressent pas. Au XX° siècle, les textes se feront nombreux : Constantin Stanislavski, auteur et metteur en scène Russe, dans La formation de l’acteur, restitue le microcosme théâtral sous la forme d'un journal intime tenu par un étudiant pendant sa première année de formation ; Berthold Brecht dans L’achat du cuivre développe un « penser-théâtre » à partir d’un dialogue entre un philosophe, un comédien, l’éclairagiste, etc.
Pour les études sur le théâtre contemporain, Flore Garcin-Marrou procède à des enquêtes auprès de ses protagonistes, parfois en y impliquant ses étudiants. Elle souligne qu'aujourd'hui, on a tendance à penser que le travail d’acteur n’est pas un travail, mais une passion. Or il peut se penser comme travail, même si certaines particularités le différencient des autres métiers. Le démystifier selon elle ne serait pas sans effet : cela permettrait de poser autrement la question de l’intermittence. Malheureusement, prise dans l’enchainement des interventions, elle n’a pas pu, sur ce point, en dire plus…
Du questionnement philosophique à l’enquête de terrain en sociologie
Alexandra Bidet, chargée de recherche en sociologie au CNRS, a témoigné dans sa communication de la manière dont la réflexion de deux philosophes, John Dewey et Gilbert Simondon, l’a nourrie et lui a permis de construire un nouveau cadre à sa réflexion sur le travail. Elle s’est saisie du concept de valuation, du premier. Pour le philosophe américain, les valeurs ne sont pas des données déjà-là, mais résultent d’un processus qui se réalise à l’intérieur des pratiques ; le travail en est le premier terrain de formation. Du philosophe français, elle a retenu le concept d’individuation : l’individu est un verbe plutôt qu’un substantif, un devenir plutôt qu’un état, une relation plutôt qu’un terme. Pour le comprendre, il faut donc décrire le processus par lequel il s’est construit, et non pas le présupposer déjà-là. Ce processus d’individuation ne donne pas seulement naissance à un individu, mais également au milieu auquel il est associé.
Ces deux concepts ont servi à Alexandra Bidet de levier pour une approche processuelle des questions du travail, et de rupture avec la méconnaissance du travail qui prévaut dans les sciences sociales. En effet, précise-t-elle, celles-ci le confondent avec le salariat sous lequel il est le plus souvent réalisé. Elles ont alors tendance à privilégier la problématique de la subordination et les à-côtés du travail : les économistes la rémunération, les sociologues, le statut, et tous ignorent ainsi le travail comme agir créatif. Cela leur interdit de comprendre l’effort et l’intérêt trouvés dans l’activité par ceux qui l’exécutent. Elle a, sur cette base, élaboré la catégorie du « vrai boulot »[6] pour chercher à élucider dans ses enquêtes ce à quoi les personnes attachent de l’importance. Le vrai boulot n’est pas le travail bien fait car celui-ci introduit une dimension normative extérieure. C’est quelque chose de plus intime, plus personnel (ce qui vaut dans mon travail) qui se confronte aux représentations communes qui prévalent dans l’entreprise.
Que savons-nous des formes de vie que les travailleurs souhaitent développer ? La réponse traditionnelle est l’autonomie, et l’idéal du travail à chercher du côté de l’artisanat. Or le travail contemporain n’évolue pas dans ce sens. Une approche du travail comme activité productive permet de sortir du seul registre doloriste, de mettre en relief et publiciser d’autres formes de vie. Cela permet de combler deux angles aveugles des sciences du travail : l’intérêt du travail lui-même et l’évolution de la technicité, qui conduit à rompre de plus en plus avec le travail artisanal.
Le travail des cadres dans l’industrie pétrolière ou l’invisible façonnement d’un monde commun
Pierre-Louis Choquet est doctorant à la « School of geography » d’Oxford où il prépare une thèse sur la responsabilité des entreprises face au changement climatique. Pour sa recherche, il a choisi comme terrain une compagnie pétrolière et s’est tourné vers sa population de cadres car il voulait pouvoir s’entretenir avec ceux qui engagent l’entreprise sur plusieurs décennies.
Dans cette industrie, la division du travail est de plus en plus intense, avec un recours croissant aux sous-traitants, ce qui rend plus complexe la gestion interne de la production. Ainsi selon un de ses ingénieurs, « au début, l’entreprise était dans la construction – c’était comme une entreprise de BTP (monter des plateformes, des infrastructures, couler du béton, etc.) –, mais aujourd'hui on devient des assembleurs et on intervient moins dans les opérations ». La Compagnie se transforme en une sorte de banque qui conçoit et finance des projets pétroliers ou gaziers d’envergure.
Bien que ce soit de l’industrie, son produit est invisible d’un bout à l’autre, passant de tuyaux (flux) en conteneurs (stock). Il n’y a guère que sur les plateformes pétrolières qu’il y a une mise à l’épreuve du corps. Partout ailleurs, le travail effectif est déréalisé et son produit est médiatisé par des infrastructures ou des signes discursifs.
Les cadres de la Compagnie se trouvent entre marteau et enclume, dans une position contradictoire entre capital et travail. D’un côté, ils font alliance avec les actionnaires et font face à des enjeux financiers massifs – un projet actuel en Arctique par exemple se chiffre à 40 milliards de dollars. Mais de l’autre, ils participent peu à la prise de décision, et les questions de reconnaissance ou d’épanouissement au travail restent pour eux très problématiques.
Traditionnellement, le travail relève de la sphère privée. Mais dans le secteur de l’énergie fossile, il affecte même le climat et contribue ainsi à façonner notre monde commun. Dés lors, l’action privée, par ses effets externes, déborde sur la sphère publique et devient un problème politique. Ainsi du fait de la division du travail et de sa technicité, 20 000 personnes travaillent dans la branche « exploitation – production » de cette entreprise et produisent pour l’usage du monde économique et des habitants de la planète 2,3 millions de barils équivalent pétrole par jour (chiffres 2008 [7]) !
La pensée globale qui cherche à analyser les enjeux climatiques en considérant l’humanité comme un agent du système Terre est insuffisante car elle ignore les contradictions, tensions et inégalités sociales internes à cette humanité ; la décomposition du phénomène global en ses segments actifs – l’industrie pétrolière en est un – et l’examen du travail qui y est réalisé permettraient de mieux comprendre ces enjeux.
De toutes les communications des deux journées d’étude, ce fut la seule à prendre en compte la dimension politique du travail sous ses deux aspects, à la fois comme rapport entre les hommes et comme rapport des hommes à la nature. Toutes les autres ont privilégié sa seule dimension sociale.
Quelle philosophie du travail contemporain ?
Je souhaite prolonger ces notes personnelles tirées de ces journées et des lectures complémentaires qu’elles ont suscitées, par une présentation des convictions épistémologiques qui sont aujourd'hui les miennes concernant la philosophie du travail : que peut-elle et doit-elle être ?
Elle n’a, tout d’abord, pas à rejeter ni encore moins mépriser la philosophie essentialiste. Celle-ci appartient au patrimoine culturel occidental. C’est un des hauts lieux de la réflexion sur la condition humaine. En tant qu’exercice spirituel, de pensée pure, elle peut jouer vis-à-vis des « sciences » humaines le rôle des mathématiques vis-à-vis des sciences physiques. En effet, abstraite ou désincarnée, c’est une ressource qui, pour cette raison même, peut être réinvestie sur de nombreux terrains de la vie concrète.
La philosophie, qu’elle soit essentialiste ou de terrain, peut inspirer les enquêtes sur l’homme, en leur amont comme en leur aval. Ainsi Alexandra Bidet s’est-elle appuyée sur ses lectures philosophiques pour concevoir une approche du travail comme activité créatrice et se forger à partir d’elles des outils d’enquête qui lui permettent de l’explorer. Mais la philosophie peut aussi être mobilisée en aval des enquêtes sur le travail. En effet, celles-ci font remonter avec constance une série de notions fondamentales : valeur, reconnaissance, insécurité, coopération, conflit, etc., qui renvoient toutes à la condition humaine. On les trouve donc finement étudiées dans le patrimoine philosophique. C’est ainsi souvent que je pratique personnellement. Pour des réflexions sur la valeur, je me suis fait lecteur attentif et critique de Nietzsche, pour l’insécurité de Hobbes et des stoïciens, pour la reconnaissance d’Hegel et de Ricœur, et ainsi de suite.
Comme le souligne Feuerbach, une approche essentialiste s’épuise rapidement. Mais là où celle-ci s’arrête, une philosophie enquêtrice peut toujours prendre le relais. C’est ce qu’a fait Flore Garcin-Marrou. Constatant la sécheresse de la philosophie du théâtre, elle a décidé d’en ouvrir le champ et de passer à une philosophie de la vie au théâtre. Elle a en quelque sorte appliqué la consigne de Wittgenstein dans les Cahiers bleus en modifiant son questionnement. Elle ne se demande plus « qu’est ce que le théâtre ? », mais « comment se fait (ou se vit, ou se pratique, etc.) le théâtre ? ». C’est ce même mouvement qu’il est possible d’appliquer au travail. En effet, Hegel et Marx ont déjà fait le tour de ce qu’il y avait à dire de lui d’un point de vue conceptuel et anthropologique. Ils ont notamment souligné son caractère bifide : à la fois rapport primaire de notre espèce à la nature et rapport secondaire des hommes entre eux à travers la division du travail. Mais sur cette base, une philosophie enquêtrice peut se saisir des réalités multiformes, changeantes, mondialisées du travail contemporain et ainsi pousser beaucoup plus loin ses réflexions dans des directions nouvelles.
Mais à quoi peut servir une telle philosophie du travail ? Si elle ne visait qu’un accroissement du savoir, elle ne serait qu’un exercice intellectuel, au même titre que le sudoku ou les mots croisés. Ce ne serait pas rien évidemment, mais ma conviction est qu’il faut lui assigner une ambition beaucoup plus forte, c'est-à-dire politique. La philosophie du travail pendant ces journées d’étude m’est apparue comme une discipline universitaire coincée au milieu des sciences du travail et à leur remorque, au point parfois de les singer. Elle adopte ainsi sans discussion leur champ d’investigation qui est le « travail » tel qu’il est désigné par la société aujourd'hui. Pour le dire vite : un travail salarié et un problème social. Or, ce « travail » n’est qu’une construction sociale éphémère. La philosophie pourrait, en allant chercher dans son patrimoine, élargir ce terrain, par un triple mouvement : en se réappropriant le concept bifide de travail, en inscrivant la réflexion à son sujet dans la profondeur de l’histoire et en s’intéressant non seulement aux études humaines mais également aux travaux des sciences physiques et du vivant.
Le premier mouvement permettrait de mieux comprendre comment le technico-productivisme et la division internationale du travail qu’il favorise permet aujourd'hui de déléguer à quelques secteurs économiques (agriculture, extraction fossile, industrie, transport…) l’exploitation de la nature et ses conséquences écologiques. Elle pourrait promouvoir les travaux comme ceux que Pierre-Louis Choquet a présentés et montrer les logiques et mécanismes en vigueur dans les lieux où il faudrait agir pour lutter contre ces désordres humains infligés à la terre, qui nous reviennent en boomerang.
Le second permettrait de montrer que le travail contemporain n’est qu’une convention économique et sociale récente au regard de la vie de notre espèce. Celle-ci a toujours dû et su s’organiser pour trouver dans la nature de quoi vivre et si possible bien vivre. D’autres conventions sont parfaitement possibles, et donc aussi d’autres façons de travailler. Il ne s’agirait évidemment pas de prôner un retour vers des époques révolues – qui malheureusement reviendront si la barbarie triomphe et non pas la transition – mais d’aider à trouver un chemin vers le futur, respectueux de notre humanité et de la nature.
Enfin, le troisième mouvement conduirait à sortir de l’anthropocentrisme des sciences humaines. Celles-ci peuvent nous alerter – et il est très important qu’elles le fassent – sur les inégalités face au travail et aux richesses ainsi que sur leurs conséquences économiques et sociales, mais elles sont, par construction, aveugles vis-à-vis des conséquences du productivisme sur la nature, les équilibres écologiques ou les risques nucléaires. Seules les sciences physiques et du vivant peuvent nous en avertir. C’est ce que font par exemple les scientifiques mobilisés pour déceler et suivre l’impact de l’activité productive humaine sur le climat. Or ces alertes sont une des conditions du changement social du travail.
C’est ce programme en trois mouvements que je cherche à explorer à ma modeste échelle, avec les moyens intellectuels, la curiosité et les convictions qui sont les miennes. Je le développe dans mon bloc-notes au fur et à mesure du temps, sans illusion sur son impact, mais pas sans persévérance. Tu dois, donc tu peux, en quelque sorte…
[1] Pierre Bourdieu, Méditations Pascaliennes, Seuil, 1997
[2] ἡ σχολ̀́ή désignait en Grèce antique la libre disposition du temps, mais aussi son occupation studieuse.
[3] Les références que je cite dans cet article l’ont été pendant les journées d’étude. C’est grâce à elles que je les ai identifiées.
[4] Ludwig Feuerbach, Pour une réforme de la philosophie, « A propos « Du commencement de la philosophie » », Editions Mille et Une nuits, Fayard, 2004, p 12
[5] Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, introduction
[6] Alexandra Bidet, L’engagement dans le travail : qu’est-ce que le vrai boulot ?, Paris, Presses universitaires de France, 2011
[7] La même année, la production mondiale était de 82,9 millions de barils par jour. S’il y avait eu le même ratio d’emploi dans toutes les compagnies, sept cent à huit cent mille personnes auraient donc suffi à alimenter en gaz et pétrole les 6,7 milliards d’habitants de la planète.
Commentaires