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« Construire » de Jean Benoit-Lévy - 1934

Les architectes de la Cité de la Muette à Drancy ont mis en œuvre des principes innovants de construction [1], mais aussi d’aménagements intérieurs afin « de diminuer les travaux forcés de la ménagère » [2]. C’est cette articulation du travail de construction et du travail domestique, ainsi que la spécialisation des tâches – masculines pour le premier, féminines pour le second – qui m’ont intéressées dans ce documentaire de Jean Benoit-Lévy [3].

Cité de la Muette Vue aérienne
Cité de la Muette à Drancy – Vue aérienne

J’ai sélectionné deux extraits significatifs que je vous invite à visionner jusqu'au bout. Ils ne durent chacun que quelques minutes. Les images sont d’une qualité moyenne car elles ont été enregistrées alors que le film était diffusé en boucle dans l’enceinte de l’exposition de Beaubourg sur l’Union des Artistes Modernes [4]. L’« histoire » est sans parole, mais son fil est parfaitement compréhensible et je serai surpris qu’elle ne vous tire pas quelque sourire d’étonnement.

J’ai sous-titré le premier extrait : « le travail en hauteur ». On y voit quelques exercices périlleux qui feront frémir mes quelques amis qui se sont investis professionnellement dans la prévention des risques dans le bâtiment et les travaux publics.

 

J’ai sous-titré le deuxième « le travail domestique ». Soyez attentif car il y a deux contributions du chef de famille à ce travail, mais elles sont fugaces… [5]

*****

La Cité de la Muette a été construite de 1931 à 1934 pour le compte de l’Office Public d’Habitations du Département de la Seine par Eugène Beaudouin et Marcel Lods, membres de l’UAM (Union des Artistes Modernes). C’est un ensemble de 1250 logements répartis entre cinq tours de quatorze étages et dix bâtiments de deux à trois étages, parallèles les uns aux autres, dessinant une sorte de peigne. La Cité de la Muette représentait à l'époque un modèle de modernité : ossature métallique, montage sans grue, moulage sur place des panneaux en béton, huisseries métalliques de Jean Prouvé… A ce titre, elle a fait l’objet d’un numéro spécial de la revue Chantiers en 1933.

Cité de la Muette Porte fenêtre
Porte fenêtre pour la Cité de la Muette à Drancy – Jean Prouvé

Pendant la deuxième guerre mondiale, la Cité a été utilisée comme camp d’internement, puis comme camp de regroupement avant la déportation vers Auschwitz : sur 75.000 juifs déportés de France, 63.000 sont partis de Drancy.

Elle est depuis 2001 classée Monuments historiques à ce double titre : en tant que réalisation architecturale et urbanistique majeure du XXème siècle et en raison de son rôle pendant la deuxième guerre mondiale.

 

[1] Voir la revue Chantiers, Editions de L’architecture d'aujourd’hui n° 2, 1933, numéro spécial consacré à la Cité de la Muette

[2] Surtitre visible dans le deuxième extrait du documentaire que j’ai intitulé « le travail domestique ».

[3] Jean Benoit-Lévy (1888-1959) est un cinéaste Français qui réalisa dans l’entre-deux-guerres de nombreux courts ou moyens métrages à des fins d’éducation populaire.

[4] « Union des Artistes Modernes. Une aventure moderne », exposition qui s’est tenue à Beaubourg du 30 mai au 27 août 2018.

[5] Avez-vous remarqué qu’il coupe le pain pour la communauté familiale et qu’il baise le front de sa fille pour qu’elle s’endorme plus aisément ?

Commentaires

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Daniel Loriot

Bonjour Michel, et merci pour cette présentation ! oui je me suis "revu en 1970" (c à dire il y a 49 ans quand même !! ) travaillant sur un chantier de construction métallique sur la zone industrielle de Saint Fons au sud de Lyon. Nous étions une petite équipe à monter une tour métallique pour l'industrie chimique ! ce sont exactement les mêmes situations, de monter le long du poteau, poser le pied sur une clé en travers du poteau, puis guider la poutrelle pour l'encastrer jusqu'à la position finale, s'aider d'une seconde une clé au manche épointé pour amener les trous de boulons en correspondance, et boulonner le tout ! Est-ce qu'on avait peur ? pas vraiment c'était comme un jeu ou une compétition entre jeunes pour grimper vite et se sortir adroitement des difficultés du montage. De fait, je crois l'avoir déjà raconté, nous passions d'un poteau à l'autre en marchant sur ces poutrelles qui faisaient 10 à 12 cm de large ! mais en redescendant d'un niveau parce que l'on se sentait familier de celui-là sur lequel on avait déjà beaucoup circulé...
Voilà que du coup le montage des cadres de baies me parait tout à coup bien plus risqué face au vide; mais les trois compagnons qui le font ont le pied sûr et une parfaite coordination des mouvements. ne pas magnifier le passé, il ya eu certainement aussi pas mal d'accidents sur ce chantier.
A bientôt, amicalement, Daniel Loriot

Martine Silberstein

Très intéressant ! Cela m'a rappelé mon père, qui me racontait son expérience. Il a participé, dans les années 50/60 à la construction d'immeubles à Marseille, je le cite (je suis en train d'écrire sa biographie) " A vingt-cinq ans je décide donc de démissionner pour aller travailler dans le bâtiment, au grand air, au soleil ! Je vais voir une de mes relations, un chef d’équipe. Ouvrier Hautement Qualifié en pâtisserie, je deviens demi-ouvrier sur les chantiers de construction. Je travaille d’abord à « Bois-le-Maître », une pinède gigantesque sur les hauteurs de Marseille. Il s’y construit deux mille logements, mille ouvriers ! Je fais des choses que je n’ai jamais apprises. J’en ai chié les trois ou quatre premiers mois : fil à plomb, niveau à bulle, truelle, béton, mais ça me plaît vraiment ! Les briques, les agglos ne tenaient pas d’aplomb, les cloisons se tortillaient, les huisseries étaient de « bisquemboy ». Lorsque les chefs de chantier, les archi passaient je m’abstenais d’essayer de faire tenir ces satanés murs." et, plus loin dans sa bio :" J’ai ensuite fait deux chantiers derrière la gare Saint-Charles dans le quartier Saint-Lazare. Dans l’un des deux, pour la construction d’un immeuble nous sommes seulement quelques dizaines, de toutes nationalités. Quand j’ai été embauché les fondations sont déjà faites. J’ai du bagout, tout le monde sait qui je suis ! Ouvriers qualifiés ou manœuvres, Siciliens, Espagnols, Maghrébins, Sardes, ou Italiens viennent me voir : « Gilbert, on a décidé de faire grève. Il y a des problèmes de sécurité et aucun endroit ni pour pisser, ni pour chier, pas d’abri pour manger, pas de douche etc… ». Oh ! Du calme ! Il faut avant tout écrire ce que nous voulons. J’achète un cahier d’écolier et nous écrivons nos revendications." Il faut dire que c'était un sacré meneur de grèves, plutôt réussies car menées d'une manière assez stratégique !

lysiane cantin

Cher Michel,
je ne peux visionner ces vidéos...sans doute à cause de la vétusté de mon ordinateur.
J'essayerai à l'occasion sur un autre appareil.
Mais merci pour ces infos.
Lysiane

Marius Voet

In a dutch journal Algemeen Handelsblad 10 januari 1934 there is an article of the showing of Construire in Holland in presence of the french architect Lods.
Jean Benoit Levy
scenario Jacqeline Albert Lambert
Camera-man Floury
Music Jean Wiener
This article can be found on Delpher.nl a Dutch historical journals site.
I found it with the searchterm Lods

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