Le Futuroscope, l’île aux loisirs
20/07/2018
L’association des auditeurs de l’INT est une association rassemblant des employeurs, des syndicalistes et des représentants de l’Etat – des directeurs du travail le plus souvent. Elle organise des visites d’entreprises et des rencontres avec leurs dirigeants et leurs représentants du personnel. Ces visites sont l’occasion d’un dialogue sur la stratégie de l’entreprise, sa situation économique et ses pratiques sociales. En février dernier, c’est dans ce cadre que nous avons été accueillis au Futuroscope par Dominique Hummel, Président du Directoire, la directrice des Ressources humaines et les élus CFDT et UNSA de l’entreprise [1]. En voici le compte-rendu.
Un enfant de la décentralisation
Le Futuroscope est le produit de la rencontre d’une circonstance institutionnelle – la décentralisation – et d’un homme, René Monory. Avec les lois Deferre de 1982 et 1983, les Conseils généraux et régionaux ont obtenu une capacité d'action économique. René Monory, à l’époque Président du Conseil général de la Vienne, s'en est saisi et a choisi le tourisme comme levier de développement pour son département. Dominique Hummel trace le portrait du personnage : il n’avait qu’un CAP. C’était le patron d’un petit garage qui s’est ensuite engagé dans la politique en conservant le goût de l’économie. Il avait une vraie sensibilité à la prospective, entretenue par ses nombreux voyages. Il était ainsi stimulé par les expositions universelles, notamment celle d’Osaka qu’il avait visité en 1970. Alors que le futur n’appartenait pas à l’identité du territoire, il a maintenu ce thème contre vent et marée, en pensant qu’un lieu de loisir pouvait aussi avoir une vocation d’éducation populaire.
Sous son impulsion, la première pierre du Futuroscope a été posée en 1984 et le Parc a ouvert en 1987. Les pavillons ont été construits progressivement pendant les dix premières années, tirée par une demande toujours plus forte que l’offre.
Au démarrage, l’entreprise était sous la tutelle du Département qui en était à la fois le propriétaire et l’exploitant. Une première privatisation a eu lieu en mars 2000 avec la cession de l'exploitation au Groupe Amaury. Un déclin de la fréquentation du parc s’en est suivi qui a conduit à une deuxième privatisation avec la création en 2002 d’une société d’économie mixte dans laquelle le Conseil général de la Vienne détenait 70 % du capital. La Présidence du Directoire de la société a alors été confiée à Dominique Hummel et une restructuration a été engagée en 2002 et 2003. Elle a conduit au départ de 250 personnes sur les 687 qui étaient alors employées en CDI.
En même temps, la philosophie du Parc a évolué. Au départ, on y projetait des films argentiques documentaires en format Imax. L’image était d’une taille maximale, mais le catalogue très limité. Le Parc, en outre, ne pouvait pas conserver sa visée pédagogique initiale, ni la promesse de Monory d’y montrer les technologies de demain. Cette promesse en effet est vite devenue intenable : les entreprises qui innovent n’ont pas envie de montrer ce sur quoi elles travaillent et les innovations sont trop diverses et nombreuses. De plus, en France, le scepticisme vis-à-vis des technologies de demain est devenu très fort. Aussi plutôt que de poursuivre dans cette voie qui se révélait être une impasse, le Parc a intégré du spectacle vivant, des parcours, des attractions mécaniques… L’entreprise s’est alors demandée ce qu’elle pouvait faire du mot « futur » inscrit dans le marbre de son nom. Elle y a répondu en se disant que si demain faisait peur, il fallait parler d’après-demain et devenir les Jules Verne du XXI° siècle, sur une promesse d’espérance donc et non pas de catastrophe.
En 2011, la Compagnie des Alpes [2] a pris le contrôle de la Société du Parc du Futuroscope en devenant son principal actionnaire avec 45 % du capital, le Conseil départemental de la Vienne n’en détenant plus que 38 %. Depuis cette date, c’est donc elle qui gère le Parc.
Dominique Hummel va au premier avril de cette année quitter sa fonction de Président du Directoire pour en exercer d’autres au sein de la Compagnie des Alpes. Il va être remplacé au Futuroscope par son Directeur général adjoint, ce qui assurera une forme de continuité. De ces 15 ans passés dans une entreprise marquée par 12 ans de culture publique puis une crise, il a acquis une conviction : en matière de gouvernance, la participation du personnel dans les Conseils de surveillance n’est pas suffisante. Il faudrait aller plus loin dans la réflexion en assurant une représentation des actionnaires et des salariés, mais aussi des clients.
Une politique sociale greffée sur une variabilité quotidienne de l’activité
Le Futuroscope est soumis à une forte variabilité de son flux d’activité. Le Parc de loisir est en effet le plus souvent fermé de novembre à début février et lorsqu’il est ouvert, il peut accueillir 2000, 5000 ou 15 000 personnes selon les jours. A cette fluctuation de la fréquentation du public répond une variation des effectifs et des statuts d’emploi. Ceux-là peuvent aller d’un étiage à 350 personnes en Contrats à Durée Indéterminée en janvier à un pic autour de 1200 personnes en août ; l’entreprise employant à l’année 850 équivalents temps plein qui exercent environ 150 métiers différents. Les salariés non permanents sont recrutés en Contrats à Durée Déterminée ou en contrats de vacation. Les saisonniers et vacataires habitent à une heure autour du Parc. Ce sont majoritairement des étudiants. Les vacataires représentent à l’année 80 à 100 équivalents temps plein et signent des contrats qui peuvent parfois être d’une journée, voire de quelques heures. La DRH souligne que si la nature des contrats est précaire, les gens ne sont pas forcément en précarité. Ce sont parfois des choix de vie de personnes qui alternent activité professionnelle et passage par Pôle emploi. Certains d’ailleurs reviennent chaque année.
Cette activité permanente de recrutement et de contractualisation a conduit la DRH a internalisé les compétences d’une agence d’intérim. L’entreprise cherche à privilégier dans la mesure du possible les CDD plutôt que les vacations et à professionnaliser les saisonniers. Elle développe en ce sens des programmes avec Pôle Emploi. Les élus précisent de leur côté que leur action vise à donner aux CDD les mêmes droits qu’aux CDI et regrettent –tout en le comprenant – que ceux-ci ne se syndiquent pas. Ils avancent qu’ils ne sentent peut-être pas légitime pour parler au nom du personnel ? Ils disent également être attentifs à la régularité des investissements réalisée par l’entreprise car c’est un signe de bonne santé économique et un gage du maintien de l’attractivité du Parc et donc de l’emploi.
En matière de recrutement, la Directrice des RH indique que l’entreprise a à faire face à un besoin croissant de personnel en matière de sécurité, du fait du Plan Vigipirate, et à des difficultés pour trouver du personnel habilité car il y a pour ces embauches une forte concurrence des sociétés de gardiennage et de sécurité.
En matière de formation, l’entreprise dégage un budget important qui correspond à 3,5 % de sa masse salariale. Elle a identifié des familles de besoins de formation qui correspondent aux métiers fondamentaux du parc : l’accueil, la restauration, la maintenance et la sécurité. Elle a un projet de plateforme commune avec d’autres entreprises voisines du Futuroscope et milite pour la création d’un BTS orienté « Accueil client ».
L’entreprise organise aussi des formations liées aux attractions. Ainsi, en avril une nouvelle attraction sur la réalité virtuelle va être ouverte, or c’est un assemblage de technologies. Pour qu’elle soit un succès, il faut que le personnel sache bien accompagner le public dans les expériences virtuelles, d’où des formations à ce sujet, en amont de l’ouverture de l’attraction.
L’importance de cette fonction d’accueil et d’animation est mise en avant par le Président du Directoire, qui affirme sa conviction que le plaisir fait grandir. Il explique que la spécificité du Futuroscope parmi les Parcs de loisirs français, c’est que les adultes s’y sentent aussi bien que les enfants. Les gens viennent en famille ou entre amis. En tout cas, ils ne viennent jamais seuls. « On est une entreprise qui crée du lien » dit il. « Dans le parc, les gens font des expériences multiples et engrangent des souvenirs mémorables. Notre objectif est que le public soit accueilli avec empathie par le personnel », car un client « enchanté » revient ou recommande. Il signale que le parc est noté 9/10 sur la qualité de son accueil. Cela correspond à « des milliards de sourire ». Mais pour les obtenir conclut-il, il faut évidemment que le personnel ait de bonnes conditions de travail. C’est le cas par exemple à la restauration où les conditions sont meilleures que ce que l’on trouve aux alentours. Participe de ces conditions aussi, le fait que le personnel tourne tous les trois ou quatre mois dans les différents pavillons, ce qui évite la monotonie ou l’ennui. Un baromètre social a été mis en place et ses résultats sont suivis régulièrement avec les représentants du personnel.
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Cet article sera publié en janvier 2019 dans le numéro 28 de 3D, la revue de l’Association des Auditeurs de l’INTEFP.
[1] L’intersyndicale fonctionne bien entre la CFDT et l’UNSA. Sud n’a pas voulu participer aux échanges.
[2] La Compagnie des Alpes est la première société mondiale de remontée mécanique. Elle possède également le Parc Astérix et le Musée Grévin à Paris, mais le Futuroscope reste sa plus grande entreprise.
Merci. Mais c'est moins mon "truc" ! Le travail à partir des peintres étaient passionnant.
Bon été
Rédigé par : didier | 22/07/2018 à 20:02