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Le témoignage Mycénien d’une domination masculine défaite

A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, ce dimanche 8 mars 2020, je diffuse en clin d’œil une fresque subversive : celle que j’ai découverte, abritée derrière une vitrine, dans le musée archéologique de Mycènes.

Fresque Mycenienne Vitrine
Musée archéologique de Mycènes

Peu lisible pour des yeux non experts, voici son image reconstituée :

Fresque Mycenienne Reconstitution
Fresque reconstituée - Musée archéologique de Mycènes

Cette représentation est étonnante. On ne lui a pas trouvé d’équivalent même dans les fouilles des Palais Minoens dont les œuvres ont pourtant souvent servi de modèle aux artistes Mycéniens.

Sur le registre supérieur, deux femmes se font face. Elles sont toutes deux pieds nus et à peu près de la même taille. Celle de gauche porte un grand manteau ouvragé qui la couvre entièrement et est coiffée d’un élégant bonnet. Ses longs cheveux lui tombent dans le dos et sur le torse. Des bracelets lui enserrent les poignets. Elle tient d’une main une épée tournée vers le sol et de l’autre pointe quelque chose devant elle – à moins que, comme cela est figuré dans une autre reconstitution, elle ne tienne le pommeau de l’épée prolongé jusqu'à sa paume. La femme avec qui elle semble converser apparaît encore plus richement vêtue d’une jupe aux motifs circulaires horizontaux et de bandes verticales qui se croisent entre les jambes. Son gilet rouge, entrouvert, laisse échapper un sein lourd et gonflé qui ne connait pas la pesanteur. Elle porte le même bonnet que son interlocutrice, mais il est surmonté d’une couronne finement ciselée. Ses longs cheveux bouclés tombent en cascade de part et d’autre de son corps. Sa main gauche pointe le sol et elle tient de la droite une sorte de long fil qui ne touche pas terre et se termine en son sommet d’anneaux successifs et d’une pointe. Entre elles deux se tiennent, suspendus dans les airs, deux hommes nus, l’un rouge, l’autre noir, ridiculement petits. Ils tendent leurs deux bras vers la femme de gauche, en projetant leur dos vers l’arrière, comme s’ils la craignaient.

C’est une histoire sans parole qui laisse donc une grande liberté à l’interprétation. Cette fresque date du XIII° siècle avant Jésus Christ. Elle a été retrouvée dans un centre de culte situé à l’intérieur de l’acropole Mycénienne. Elle surmontait un autel. Au registre inférieur, deux fois moins haut, on a trouvé les fragments d’une autre peinture murale qui figure une femme portant une toge et levant dans chaque main des épis de céréales. Elle est escortée à ses pieds d’un animal qui pourrait être un griffon [1].

Fresque Mycenienne registre inférieur
Fresque du Centre cultuel de Mycènes - registre inférieur

Si on part de l’hypothèse raisonnable que les thèmes représentés étaient en accord avec le bâtiment et les usages du lieu, ces femmes pourraient être des divinités ou des prêtresses [2]. Celle du bas comme celle du haut à droite pourraient représenter les idées de fertilité et de travail, agricole pour la première et de filage ou de tissage pour la deuxième. La troisième quant à elle porte les insignes de la force et du pouvoir. Mais quoi qu’il en soit, dans tous les cas, les hommes n’apparaissent que comme des pantins qui ne sont pas à la hauteur des femmes qui les entourent.

Voilà un message amusant pour toutes celles qui sont convaincues, comme je le suis, que la domination masculine est plus historique – donc idéologique – qu’anthropologique.

 

[1] Ces reconstitutions sont utiles mais aussi fragiles car elles comblent des lacunes. Du griffon – mais ce pourrait être aussi un lion – il ne reste visible, par exemple, que la queue et les pattes de devant.

[2] Les analyses archéologiques que j’ai pu trouvées sur ces fresques sont à la fois peu nombreuses et plutôt allusives. Voici mes sources : Iphigenia Tournavitou, The wall paintings of the West House at Mycenae, INSTAP Academic Press, Philadelphie, Pennsylvanie, 2017 et Jean-Claude Poursat, L’art Egéen, tome 2, Edition Picard, Paris, 2014

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