Le réchauffement climatique, cause d’une conversion écologique des nations ?
29/11/2015
Si nous ne vivions pas, depuis 12 000 ans, dans une saison chaude de la planète, mais que nous entrions dans une de ses périodes glaciaires, est-ce que la COP 21, au lieu de chercher à diminuer la production humaine de gaz à effet de serre, pousserait les feux pour réchauffer la planète ? Ce n’est pas une des moindres ambiguïtés de la situation actuelle : l’influence de l’activité humaine sur le climat se superpose au changement climatique naturel. Il se trouve qu’elle n’en contrecarre pas l’évolution, mais au contraire l’amplifie et surtout l’accélère.
Evolution de l’indice de température mer-océan (explication du graphique en note[3])
Mais il n’est évidemment pas interdit d’espérer. Je ne sais pas si les travaux de la COP 21 qui s’ouvrent aujourd’hui au Bourget se concluront par un accord universel et contraignant pour limiter l’accroissement de la température globale, comparée à celle de l’époque préindustrielle, en deçà de 2 °C, d’ici la fin de ce siècle. Mais pour que cet accord se traduise dans les faits, il faudrait une subordination effective de l’économique au politique, alors que depuis bien longtemps, c’est l’inverse que l’on observe. Les secteurs qui émettent le plus de gaz à effet de serre sont bien connus (le transport, l’agriculture, l’industrie, le bâtiment), les Etats aussi (la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne, l’Inde). Des millions d’entreprises participent à la surexploitation des ressources fossiles de la terre qui nous fait vivre, sous l’impulsion d’une civilisation technico-productiviste devenue planétaire. C’est à ce niveau là, concentré et diffus, que l’avenir du climat se joue.
Aussi, au-delà des mots et des assurances qui peuvent toujours être trompeurs, il est heureux que nous disposions d’un thermomètre indépendant des Etats : le réseau météorologique mondial qui permet de suivre chaque année l’évolution du climat. C’est lui qui nous dira si les COP ont des effets réels ou sont seulement des exercices rhétoriques. A défaut toutefois, elles auraient quand même une vraie utilité : elles accroissent la conscience internationale de l’ampleur de l’agir humain et de ses effets sur la nature et préparent ainsi les esprits à des changements que les peuples prendront en charge le moment venu, pour travailler et produire autrement.
Paris, le 29 novembre 2015
[1] Le GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) est une organisation de l’ONU qui a pour mission d’éclairer les pays membres sur le risque de changement climatique provoqué par l'homme. Il est chargé d'évaluer, sans parti pris et de manière méthodique et objective, l’information scientifique, technique et socio-économique disponible sur cette question.
[2] Cinquième rapport de synthèse du GIEC sur les changements climatiques. Résumé à l'intention des décideurs, 2014, p 7.
[3] En ordonnée, se trouvent les anomalies de températures, c'est-à-dire les écarts à la moyenne établie sur la période 1951-1980. La ligne noire est la moyenne annuelle de ces anomalies et la ligne rouge continue est la moyenne lissée sur 5 ans. Les barres vertes correspondent aux estimations de l’incertitude. Cette courbe signifie que la température globale des 10 dernières années est environ 0,8° C plus élevée qu’au début du XX° siècle. Les 2/3 de ce réchauffement sont apparus à partir de 1975 (source : http://data.giss.nasa.gov/gistemp/graphs_v3/)
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Pour ceux qui souhaitent aller plus loin sur ce sujet qui va nous occuper pendant tout le XXI° siècle, je leur conseille vivement cet ouvrage publié récemment :
Stefan C. Aykut, Amy Dahan, Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales, Presses de Sciences Po, Paris, 2015, 752 pp.
Les données scientifiques, l'histoire des négociations climatiques et le jeu complexe des acteurs qui y participent y sont clairement décris.
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