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La convoitise, levier du productivisme ?

L’exposition Henri Cartier-Bresson organisée à Beaubourg (cf. L’homme et la machine, sous les yeux de l’artiste – 28/03/2014) présente trois autres photographies qui ouvrent sur la question du travail, mais indirectement cette fois-ci. Ici, le travail est achevé, c’est son résultat qui s’exhibe (une bicyclette, des chapeaux). Toutefois, ce ne sont pas ces choses qui intéressent l’artiste, mais le regard que les hommes portent sur elles :

Henri Cartier Bresson Pékin, Chine, 1958

Beijing, Chine, 1958

Voici une œuvre tout en profondeur, au sens propre comme au figuré. Son cadre magique multiplie les cadres. L’œil est d’abord attiré par le triangle central et les regards des personnages, gros de désirs. Une deuxième fenêtre à gauche éclaire en miroir la scène. Le jeune garçon pose sa main auréolée sur la vitrine, légèrement au-dessus du moyeu de la roue, comme pour se saisir symboliquement de la bicyclette. Bien que celle-ci et ses contemplateurs s’interposent, la rue est suffisamment visible pour que l’on comprenne qu’elle n’est arpentée que par des piétons. Ni vélocipède, ni encore moins d’automobile ne l’encombrent. Nous sommes à Pékin en 1958, pas à New-York.

Cette expression chinoise du désir, on la retrouve également russe et américaine dans deux photographies qui sont présentées l’une à côté de l’autre dans l’exposition :

Magasin URSS

 Grand magasin, Leningrad, Russie, 1954  

Magasin EU                                Le grand magasin Foley, Houston, Etats-Unis, Printemps 1957

Années 50. Nous sommes en pleine guerre froide. Deux systèmes politiques et économiques s’affrontent, mais Henri Cartier-Bresson les rassemble dans des boutiques de chapelier. On ne peut qu’être frappé par l’homogénéité de sa vision : une noria de chapeaux ou de personnages et au centre un regard qui nous fait face comme pour nous demander notre avis : « est-ce qu’il me va bien ? ».

A contempler ces images, on ne peut que supposer la convoitise universelle. Au-delà de nos besoins seulement vitaux, le travail et la technique produisent des charmes auxquels il semble difficile de ne pas succomber, tant ils semblent nous saisir – éventuellement différemment – au creux de nous-mêmes. Mais cette convoitise est-elle le levier du productivisme ? La réponse est en partie aussi dans ces mêmes images. A la mi-temps du XX° siècle, ces trois nations étaient en quête de développement, mais pas au même stade. En Chine, le charme est un vélo, aux Etats-Unis un chapeau, comme en Russie certes, mais réservé là à la nomenklatura. Que le désir peuple nos rêves et nous pousse à l’action, cela n’a rien de nouveau. C’est une des caractéristiques de notre humanité. Ce qui est nouveau, c’est que toute nos civilisations s’orientent vers la production de charmes sans cesse plus sophistiqués et subtiles. La convoitise humaine, universelle et anhistorique, pourrait bien n’être, non pas un levier du productivisme, mais son prétexte.

Exposition Henri Cartier-Bresson à Beaubourg jusqu’au 9 juin 2014 Exposition Henri Cartier-Bresson

 

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